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Addiction

Le mythe de la dépendance au café

Par Audrey Vaugrente

ENQUÊTE – Un Français sur deux pourrait se priver de cinéma pour continuer à boire du café. Mais parler d’addiction est excessif, malgré des symptômes de manque.

Vivian Evans/Flickr

Près d’un salarié sur deux achète son café au distributeur automatique. Boisson incontournable en entreprise, elle l’est tout autant dans les villes et villages de France. Là où les services publics peuvent faire défaut, l’institution reste : le café. Sans compter les multiples chaînes dédiées au breuvage sous toutes ses formes, y compris frappées. Pour les adeptes, la consommation s’apparente parfois à un besoin parfois impossible à réfréner. « On peut parler d’une drogue puisqu’on en consomme beaucoup et que l’on multiplie les apports avec le café, le thé, le RedBull, estime le Pr Jean Costentin, de l’Académie de médecine. Mais c’est une drogue avec peu de méfait sur le plan physique. »

Pas une drogue dure

Les Français ont du mal à se passer du café. 1 000 d’entre eux ont été interrogés en 2012 par l’institut Strategy One pour la chaîne Starbucks. Ils y avouent leur amour pour l’expresso (40 %) mais surtout leur besoin irrépressible d’obtenir leur dose de caféine. Et pour cela, ils sont prêts à de nombreux sacrifices, en bons junkies. Ainsi, les trois quarts des sondés se disent prêts à réduire leurs achats culturels pour en absorber quelques gouttes. 60 % iraient jusqu’à réduire le shopping et la moitié pourrait aller moins souvent chez le coiffeur ou au cinéma. Edifiant.


Si le syndrome de sevrage est réel, le terme d’addiction reste abusif. « La dépendance physiologique n’existe pas », tranche Astrid Nehlig, directrice de recherche à l’Inserm spécialiste du café. Dans le cerveau, le circuit de la récompense – qui provoque les comportements de dépendance – est activé par les drogues dures, la nicotine ou encore le sucre… mais pas le café !

Un effet psychosocial

Alors, comment expliquer ce sentiment d’assujettissement total au précieux liquide ? Il suffit sans doute d’observer ce qui se passe après l’arrêt brutal du café : un syndrome de sevrage. « 10 à 20 % de la population va en souffrir, sous forme de faible, malaise, maux de tête… » confirme Astrid Nehlig. De quoi confirmer les idées reçues.

Mais en réalité, ces manifestations ne se produiraient qu’à cause de la représentation sociale qui est faite du café. C’est en tout cas l’hypothèse qu’avance la chercheuse. « On a testé au niveau cérébral l’activation de structures après avoir dit aux gens qu’ils vont recevoir du café, alors qu’on leur donne soit du café, soit un placebo, raconte-t-elle. Dans les deux cas, on affecte les mêmes structures. Il y a donc un gros effet d’attente. » Le plus dépendants seront sans doute rassurés d’apprendre qu’il est donc possible d’échapper à ces symptômes bien inconvenants.

Ecoutez...
Astrid Nehlig, directrice de recherche à l’Inserm : « Ils passent spontanément en 24-48 heures. On peut aussi les éviter en réduisant progressivement sa consommation. »