Imprévue, restée inaperçue plusieurs mois, l’épidémie d’Ebola a infligé une dure leçon à la communauté sanitaire internationale. Elle aura touché 28 616 personnes en Afrique de l’Ouest (Guinée, Libéria, Sierra Leone) dont 11 310 ont perdu la vie. Et si cette épidémie et son évolution avaient été prévisibles ? Des chercheurs de l’University College de Londres (Royaume-Uni) ont développé un modèle mathématique qui permet de prédire la progression d’une flambée épidémique d’origine animale – comme Ebola et Zika. Un premier test, réalisé sur la fièvre de Lassa, livre ses résultats dans Methods in Ecology and Evolution.
De l’agriculture à l’accès aux soins
La fièvre de Lassa est moins connue que d’autres fièvres hémorragiques, comme Ebola, mais est au moins aussi grave. En effet, le virus est endémique en Afrique de l’Ouest et il infecte chaque année 100 à 300 000 personnes. Parmi elles, 5 000 à 6 000 meurent de la maladie. A l’origine de celle-ci : un rongeur, le rat du Nata (Mastomys natalensis) qui transmet le virus à l’homme par ses excréments.
Les auteurs du modèle ont utilisé les données relatives aux 408 flambées connues entre 1967 et 2012. Ils ont ensuite relevé les changements survenus au niveau de l’exploitation des terres agricoles, du rendement des récoltes, mais aussi de la température atmosphérique, des précipitations, du comportement des habitants et de l’accès aux soins. Autant d’éléments qui peuvent influencer le cours d’une épidémie.
Deux fois plus de malades
Le nombre de victimes devrait plus que doubler d’ici 2070, selon le modèle. Il passerait ainsi d’environ 195 000 personnes infectées à 406 725. En cause : le changement climatique et la croissance démographique dans la région. « Ce modèle constitue une amélioration majeure dans notre compréhension de l’extension des maladies qui se transmettent de l’animal à l’homme », se félicite le Pr Kate Jones, co-auteur de l’étude. Elle entrevoit l’intérêt très pratique de ces travaux pour les communautés affectées : en prévoyant l’évolution du virus, il sera possible de mieux se préparer à y faire face et à adapter les paramètres d’influence, comme les méthodes agricoles.
Source : Redding et al. UCL
Prévoir la progression de Zika
Mais le modèle pourrait avoir une application beaucoup plus large, à en croire le Pr Jones. « Ce modèle peut aussi observer l’impact du changement climatique sur de nombreuses maladies au même moment, afin de comprendre quels changements les acteurs pourraient effectuer », explique-t-elle. Or, plus de 60 % des maladies infectieuses émergentes sont provoquées par des animaux.
D’ailleurs, l’équipe londonienne a d’ores et déjà prévu d’affiner son modèle en prenant en compte la transmission d’homme à homme. Un nouveau paramètre qui pourrait s’avérer particulièrement utile dans des épidémies telles qu’Ebola ou Zika – où la transmission sexuelle est avérée.