En France, les données sur la pollution aérienne aux particules fines s’affinent et s’actualisent. Trois nouvelles études publiées par Santé publique France ce mardi reviennent sur l’impact sanitaire de ce type de pollution. Elles confirment des éléments déjà bien renseignés dans la littérature mais n’en restent pas là, puisque l’analyse fournit plusieurs informations propres au territoire français.
48 000 décès par an
Premier constat : la mortalité liée à la pollution particulaire reste toujours aussi importante. En 2000, les décès imputés à l’exposition aux particules fines PM2.5 étaient estimés à 40 000 par an en France. Une nouvelle évaluation quantitative d’impact sanitaire (EQIS) évalue ce fardeau à 48 000 décès par an (9 % de la mortalité), soit une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser 2 ans.
« Auparavant, les données se fondaient sur les études épidémiologiques américaines, explique Sylvia Medina, directrice du département Sciences et Environnement à Santé publique France, qui a coordonné les travaux. Nous ne disposions pas de cohortes suffisamment importantes pour avoir nos propres données, ce qui n’est plus le cas depuis 2013 ».
Ces nouveaux chiffres, obtenus à partir de données épidémiologiques françaises, sont donc plus proches de la réalité. « Toutefois, ils confirment l’ordre de grandeur établi dans les précédents travaux, ce qui est plutôt rassurant ! »
Grandes villes, campagne : tous pollués
Par ailleurs, l’agence française fournit de précieux renseignements sur les niveaux de pollution dans plusieurs types de ville – agglomérations, communes moyennes, zones rurales… Les données révèlent la présence d’une exposition partout en France, que l’on soit plongé dans la grisaille toxique de Paris ou que l’on respire l’air frais de la campagne.
« Dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants, les résultats montrent, en moyenne, une perte de 15 mois d'espérance de vie à 30 ans du fait des PM2.5. », précise Santé publique France. Cette perte d’espérance de vie est établie à dix mois dans les zones entre 2 000 et 100 000 habitants, et à neuf mois dans les zones rurales.
« On sait qu’il y a de la pollution en dehors des agglomérations, mais on pouvait pas l’objectiver, car les appareils permettant de surveiller les taux de pollution sont très chers et on ne les poste que dans les zones à fortes densités de population, explique Sylvia Medina. Désormais, on peut évaluer objectivement cette pollution hors agglomération ».
34 000 décès évitables
Si les résultats n’ont rien de réjouissant, il ne faut cependant pas céder à la fatalité. L’agence a réalisé plusieurs scénarii de réduction de la pollution atmosphérique et mesuré l’impact sanitaire associé.
A travers une modélisation, les travaux ont pu par exemple établir que « si l’ensemble des communes réussissait à atteindre les niveaux de PM2.5 observés dans les 5 % des communes les moins polluées de la même classe d’urbanisation, 34 000 décès pourraient être évités chaque année (gain moyen de 9 mois d'espérance de vie) », précise Santé publique France.
Les pics pas si toxiques
Autre enseignement issu de ces travaux : l’exposition chronique aux particules fines s’avère bien plus toxique que l’exposition à des pics de pollution tels qu’enregistrés dans les grandes villes les jours de trafic intense, ou lors des épisodes de chaleur.
L’agence a ainsi mené une étude dans 17 villes en France afin de calculer l’impact sanitaire des pics de pollution. « Les résultats confirment les travaux de surveillance menés jusqu’à présent : c’est l’exposition à la pollution, quotidienne et dans la durée, qui a l’impact le plus important sur la santé, les pics de pollution ayant un effet marginal ».
D’ailleurs, si les pics de pollution nous renseignent globalement sur l’état de l’air que nous respirons, la notion de seuil ne tient pas pour les PM2.5. « Il n’existe pas de niveaux en-deçà desquels nous serions protégés, les effets sur la santé émergent à des seuils très faibles, précise Sylvia Medina. C’est pour cela qu’il faut agir en réduisant notre recours aux énergies fossiles à travers des politiques à long terme, mais aussi en modifiant nos comportements individuels ».
Données incontestables
Si les experts ont choisi de se concentrer sur les seules PM2.5, c’est qu’elles constituent un marqueur privilégié pour étudier la pollution atmosphérique, un phénomène par ailleurs complexe. « Les PM2.5 ont leur effet propre, mais elles nous renseignent aussi sur les autres molécules polluantes présentes dans l’air avec elles », précise Sylvia Medina. Parmi elles, l’ozone, l’oxyde d’azote, les PM10 ou encore les polluants secondaires.
Contrairement à d’autres sources d’exposition (pesticides, perturbateurs endocriniens, pollution industrielle…), la pollution aérienne est la mieux renseignée à ce jour. « La science n’a plus besoin de prouver un lien de causalité avec les effets sanitaires observés. Ce n’était pas le cas il y a 20 ans, mais aujourd’hui, il y a un consensus scientifique sur cette toxicité ».