Tout est parti d’un décret. Celui promulgué le 5 juin dernier et autorisant les sages-femmes à pratiquer les interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuses. Une disposition prévue par la loi de modernisation du système de santé, et destinée à améliorer l’accès des Françaises à l’IVG. Mais c’est autour des arrêts de travail liés à cette intervention que les choses se sont envenimées, comme le raconte Libération.
Déjà opposés à cette mesure durant les débats parlementaires de la loi Santé, les gynécologues n’ont pas tardé à réagir à la promulgation du décret. Le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF) a publié un article le 13 juin dernier. Cette fois-ci, les gynécologues ne pointent pas directement du doigt la délégation de tâches à des professionnelles de santé non médecins, mais s’inquiètent du risque que la ministre de la Santé « fait encourir à la population en voulant masquer la carence organisée des gynécologues ».
En effet, selon les praticiens, un arrêt de travail est lié à une situation pathologique ; or, toute situation pathologique doit être examinée par un médecin. Donc si les sages-femmes sont autorisées à prescrire un arrêt de travail (4 jours, renouvelable une fois) après une IVG, c’est bel et bien que le ministère leur demande de se substituer aux praticiens.
Mais le débat a dépassé les querelles interprofessionnelles quand le Dr Isabelle Paganelli, secrétaire générale du SYNGOF, a jugé bon de publier sur la page Facebook du syndicat, relatant sa propre pratique de l’IVG médicamenteuse, en cabinet de ville. Pour soutenir le propos de ses confrères, elle souligne qu’en effet, elle n’a jamais prescrit d’arrêt de travail après une IVG, sans qu’il n’y ait eu de complications. Or, si complications, rappelle la praticienne : « la patiente [doit] être vue aux urgences gynécologiques pour hémorragie et l'arrêt de travail est prescrit pour complications ».
C’est la suite de son billet qui a fait monter le ton. Quand tout se passe bien, explique la gynécologue, « on propose à la patiente de choisir le jour de l'expulsion un jour férié avec un adulte, si possible le compagnon ou une amie, ou de poser un jour de congé (cela lui évite de donner un arrêt de travail à son employeur et de craindre de devoir s'expliquer avec ses collègues) ». Le droit du travail français permet aux salariés de poser un arrêt de travail sans que l’employeur ne soit informé du motif, après, on peut espérer que les femmes soient assez grandes pour gérer leurs collègues, voire que les collègues en question ne fassent pas d’interrogatoire systématique après un congé maladie…
Mais pour la praticienne, c’est aussi au nom de l’égalité entre homme et femme que cette dernière devrait poser un jour de congé, ou avorter le WE ! « Si on considère que la femme est l'égale de l'homme au sein du travail et qu'elle puisse enfin être payée comme l'homme et avec égalité, il faut que les professionnels de santé évitent les arrêts de travail injustifiés à leurs patientes ». Si d’après ces médecins, on l’a bien compris, l’IVG médicamenteuse ne nécessite pas physiologiquement de prendre des jours de repos, il est – en plus du reste – assez choquant que le possible impact psychologique de l’acte soit purement et simplement nié. Quatre jours sont-ils de trop pour permettre à celles qui en ont besoin de surmonter ce qu’elles viennent de vivre, avant de reprendre le chemin du travail ?