Les insecticides tueurs d’abeilles sont désormais… presque interdits en France. Les députés ont adopté dans la nuit de mercredi à jeudi le texte bannissant, à partir de septembre 2018, l’utilisation des insecticides issus de la famille des néonicotinoïdes. Toutefois, des dérogations seront possibles jusqu’en 2020, ce qui limite considérablement la portée du texte.
Le débat, qui a duré plus de deux heures, s’inscrivait dans le cadre de la troisième lecture du projet de loi Biodiversité. Le texte relatif à l’interdiction en 2018 a été approuvé par 36 députés ; 31 militaient pour une interdiction à partir de 2020.
Substitut
L'amendement de la rapporteure Geneviève Gaillard (PS) voté par les députés maintient le principe d'une interdiction à compter du 1er septembre 2018, comme l'avait décidé l'Assemblée en seconde lecture. Mais il prévoit « que des dérogations à cette interdiction pourront être prises par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Ces dérogations pourront être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 ».
Les ministres chargés de définir ces dérogations pourront s'appuyer sur le travail de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui « établira un bilan comparant les bénéfices et les risques » des néonicotinoïdes et des produits ou méthodes de substitution disponibles.
Cet amendement avait été soutenu avant le débat par la ministre de l'Ecologie qui souhaitait « un geste fort » mais « avec du réalisme ». « Il faut fixer des perspectives claires pour que l'industrie investisse dans des produits de substitution », avait plaidé Ségolène Royal, qui s’est par ailleurs réjouie sur Twitter de ce vote.
Néonicotinoides.La France à l'avant garde pour protéger santé,environnement & dvper les alternatives aux pesticides pic.twitter.com/xACIOkAWsa
— Ségolène Royal (@RoyalSegolene) June 23, 2016
"Irresponsable"
Du côté des ONG, le ton est un peu moins enthousiaste. En pointe dans ce combat, Générations Futures voit plutôt dans ce vote un « recul inacceptable », une soumission du pouvoir législatif « aux pressions de la FNSEA [Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles] et des lobbies agrochimiques ».
« Sachant que les néonicotinoïdes déciment 300 000 colonies d’abeilles tous les ans en France, ce sont donc un million deux cent mille colonies d’abeilles dont l’Assemblée nationale vient de décider froidement de la disparition en France au cours des quatre prochaines années ! », déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, cité dans un communiqué.
L’ONG déplore par ailleurs que l’utilisation de ces insecticides ait « fortement augmenté en France ces dernières années (+31 % de 2013 à 2014 ! » et s’insurge d’une décision jugée « irresponsable ».
Une pétition qui a recueilli plus de 600 000 signatures pour demander l'interdiction des néonicotinoïdes, a été remise en juin par des ONG à Ségolène Royal. Laquelle avait promis de « mettre tout son poids dans la bataille » malgré les divisions internes du gouvernement sur cette question. En effet, le ministère de l’Agriculture s’est toujours montré favorable à une interdiction progressive, non effective avant 2020. Au final, il aura eu le dernier mot…