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Composé de quelque 2 000 milliards de cellules, le mince (4 mm) costume de chair qui nous habille constitue, tout au long de la vie, une frontière mécanique, physique, chimique et immunologique d’une efficacité remarquable. « L'effet barrière de la peau agit à double sens : en séparant notre organisme du milieu extérieur, d’une part, et en prévenant la perte de l’eau qui nous compose, d’autre part, rappelle Thierry Passeron, dermatologue au CHU de Nice et chercheur au Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M). Perdre plus de 20 % de sa surface cutanée, comme certains grands brûlés ou dans le cas de maladies telles que le syndrome de Lyell, engage, hélas, le pronostic vital. »
Renouvellement mensuel
Son imperméabilité, cette structure en mille-feuille de quelque 2 mètres carrés pour environ 5 kilos, chez l'adulte, la doit notamment à des bataillons de cellules, au premier rang desquelles les kératinocytes. Fabriquées à la jonction du derme et de l’épiderme, ces cellules migrent vers la surface pour y former un empilement de tuiles plates, cornées et étanches (la couche cornée) qui dépassent rarement 50 millièmes de millimètre d’épaisseur, un tissu qui se renouvelle dans sa totalité en 4 à 6 semaines. Surtout, au cours de leur ascension, les kératinocytes se dépouillent de leurs organes vitaux pour ne conserver que leur squelette et leur enveloppe protéique. Bref, la peau remplit l’une de ses fonctions essentielles en opposant à l’environnement, non pas des cellules vivantes, mais des momies cellulaires, une partie morte d’elle-même…
"On sent par la peau"
Autre source d’étonnement : la façon dont s’y prend la peau pour repousser les assauts de bactéries et autres micro-organismes indésirables. Qu’un de ces pathogènes s’avise de forcer le passage et il tombe, entre autres, sur les cellules de Langerhans. Représentant 3 à 8 % des cellules épidermiques, ces cerbères intraitables encerclent l’intrus, l’escortent jusqu’aux ganglions lymphatiques et le remettent aux cellules spécialisées du système immunitaire (les lymphocytes) qui le neutralisent ou l’éliminent impitoyablement.
Bouclier mécanique, muraille bactériologique, notre unique organe visible s’avère, en outre, un régulateur thermique hors pair, participe à la synthèse de la vitamine D sous l’influence des ultraviolets B (UVB) et permet de sonder jour et nuit un nombre faramineux de paramètres de l’environnement grâce aux corpuscules de Ruffini, réactifs à la chaleur et au froid, aux corpuscules de Meissner, impliqués dans le toucher, aux corpuscules de Pacini, sensibles aux vibrations… « On ″sent″ en permanence par la peau », résume joliment Thierry Passeron.
Une flore bactérienne aussi sur la peau
La peau, last but not least, constitue un des plus grands habitats microbiens associés à l’homme. Certes moins connus que leurs homologues du microbiote intestinal, les milliards de bactéries, champignons, virus et autres créatures microscopiques qui composent le microbiote cutané semblent jouer elles aussi un rôle majeur dans le maintien de la santé de leur hôte en empêchant les espèces microbiennes pathogènes de proliférer, et en modulant la réponse immunitaire locale. De plus, cette flore présente des variations qualitatives et quantitatives énormes d’une région corporelle à l’autre. « Les conditions qui prévalent en termes d’espèces microbiennes diffèrent autant entre les zones sèches (tronc, avant-bras…) et les zones humides (aisselles) du corps que les conditions écologiques diffèrent entre le Sahara et la forêt vierge », assure Thierry Passeron.
Philippe Testard-Vaillant
Science&Santé, le magazine de l'Inserm