C’est une première mondiale. La technologie CRISPR-Cas9, qui permet d’éditer un génome, pourra être utilisée sur l’homme. Un comité consultatif du National Institutes of Health (NIH) américain, l’équivalent de l’Inserm français, a donné son feu vert le 21 juin pour un test clinique dans le cadre d’une thérapie de lutte contre plusieurs types de cancer.
« L’agitation de l’année dernière autour de CRISPR était une anticipation de ce qui se passe maintenant, explique Dean Anthony Lee, immunologiste et membre du comité qui a décidé d’autoriser l’utilisation de la technique. CRISPR rend les modifications génétiques suffisamment faciles pour que de tels essais cliniques puissent avancer rapidement. »
Assurer la non-dangerosité
Le premier est de dimension modérée, et servira surtout à assurer la non dangerosité des ciseaux moléculaires. Les chercheurs prélèveront chez 18 patients des lymphocytes T, des cellules du système immunitaire, et utiliseront CRISPR-Cas9 pour insérer ou retirer des gènes, ce qui permettra à ces cellules de mieux repérer et détruire les cellules cancéreuses. Une fois « boostés », les lymphocytes T seront réinjectés à leurs propriétaires.
« Les thérapies cellulaires contre le cancer sont très prometteuses, mais la majorité des personnes qui en bénéficient ont des maladies propices aux rechutes, explique Edward Stadtmauer, directeur de l’essai et médecin à l’université de Pennsylvanie. L’édition génique pourrait améliorer les traitements en éliminant certaines vulnérabilités du système immunitaire face au cancer. »
Si la procédure semble simple, elle soulève des questions éthiques : à quel point le génome humain peut-il être transformé ? Pour le comité du NIH, la situation semble claire, et ne pas poser de problèmes. Il doit cependant encore convaincre les autorités américaines, qui pourraient être encore un peu frileuses.
Un précédent embarrassant
Si l’essai clinique est autorisé, les manipulations auront lieu à Philadelphie (Etats-Unis). « L’université de Pennsylvanie a une histoire conflictuelle [avec l’édition de génome] », rappelle Laurie Zoloth, bioéthicienne à l’université Northwestern (Etats-Unis). En 1999, lors d’un essai similaire avec d’autres techniques, Jesse Gelsinger, un jeune Américain de 18 ans était décédé, mettant un coup d’arrêt à ces recherches. Une enquête avait en effet révélé plusieurs dérives : des effets secondaires observés chez l’animal n’avaient pas été rapportés, et certains des chercheurs avaient des conflits d’intérêts financiers liés aux résultats de l’essai.
Selon toute vraisemblance, les autorités américaines devraient néanmoins valider l’avis favorable du NIH, même si une interdiction est encore possible. Les manipulations pourraient alors commencer dès la fin de cette année.
L’essai sera financé par un fonds de recherche sur l’immunothérapie réuni en avril par l’ancien patron de Facebook, Sean Parker, et qui dispose déjà dans ses caisses de 250 millions de dollars, ce qui devrait laisser une marge de manœuvre importante. Les patients seront recrutés dans des centres en Californie et au Texas.
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