C’est une décision historique. Au Texas, État profondément ancré dans des valeurs conservatrices, le droit à l’avortement vient de gagner une nouvelle bataille. Ce lundi, à cinq juges contre trois, la Cour suprême des États-Unis vient de rejeter une loi texane visant à limiter l’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Réaffirmant le droit à l’avortement, légalisé il y a plus d’une trentaine d’années dans le pays, la plus haute instance judiciaire américaine rappelle que les Etats fédéraux ne peuvent entraver, de quelque manière que ce soit, ce droit fondamental. Comme le rapporte l'agence AP (Associated Press), depuis que la loi a été adoptée, près d’une vingtaine de centres d’IVG ont mis la clé sous la porte.
Sur les 51 États américains (en incluant Porto Rico), 50 ont une législation qui restreint d'une façon ou d'une autre le droit à l'avortement.
Restreindre l’accès à l’IVG
À l’origine, une loi promulguée par le très conservateur Rick Perry, gouverneur républicain du Texas. Son texte, adopté dans la douleur en 2013, exigeait que les centres qui pratiquaient les IVG soient équipés comme à l’hôpital et respectent les mêmes normes. Impossible pour ces centres, qui n’ont pas les moyens de s’y conformer. Comme l'ajoute Le Monde, « les praticiens étaient également contraints d’obtenir, pour leurs patientes, un droit d’admission dans un hôpital local en cas de complication ». Et cet établissement devait se trouver à moins de 50 km. En bref, ces mesures ne faisaient que contraindre l’accès des femmes texanes à l’IVG, le rendant presque inaccessible.
En 2015, le Texas ne comptait plus que 19 centres d'IVG alors que la superficie de l'Etat dépasse celle de la France. Des cliniques texanes rarissimes qui contraignaient significativement les femmes. Un exemple, les habitantes de la ville texane d'El Paso devaient parcourir plus de 880 km avant de pouvoir pratiquer une IVG, soit un trajet encore plus long que pour rallier Paris depuis Marseille. Les zones rurales étaient et sont toujours particulièrement touchées par la restriction d'accès à l'IVG. Car même si « les barrières légales se lèvent (...), les femmes des pays développés souffrent toujours d'inégalités en termes de qualité des services et d'accès, selon les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé », soulignaient dans un communiqué les auteurs d'une étude australienne portant sur la législation en matière de droit à l'avortement dans les pays développés.
En novembre dernier, une étude de l'Université du Texas révélait qu'au moins 100 000 femmes texanes avaient tenté de mettre fin à leur grossesse seules, sans accompagnement médical, et cela en raison de la loi restreignant l'avortement. « Comme les soins en clinique deviennent plus difficiles d'accès au Texas, nous pouvons nous attendre à ce que davantage de femmes réalisent qu'elles n'ont pas d'autre choix que de prendre les choses en main elles-mêmes », affirmait à l'époque l'auteur de l'étude, le Pr Daniel Grossman, cité par Ouest France.
Une loi jugée hypocrite
Pour l’État républicain, cette mesure visait à protéger la santé des femmes. Une hypocrisie pour les associations de défense et les centres d’IVG eux-mêmes, qui n’ont pas manqué de dénoncer le souhait des républicains de les voir disparaître. Après une bataille de longue haleine, les partisans du droit à l’avortement ont fini par obtenir gain de cause. Les politiques, à l'instar d'Hillary Clinton et de Ted Cruz, n'ont pas manqué de s'exprimer.
"La décision de la Cour est une victoire pour toutes les femmes, au Texas et aux États-Unis. L'avortement sécurisé doit être un droit – et pas seulement sur le papier, mais en réalité", scande la candidate démocrate aux présidentielles américaines Hillary Clinton, sur son compte twitter.
"Nous ne cesserons pas de vouloir protéger les femmes texanes d'une industrie de l'avortement, qui privilégie le profit à la sécurité", dénonce le sénateur texan Ted Cruz, en réponse à la décision de justice.