L’arme absolue contre l’obésité serait-elle la chirurgie bariatrique ? En plus de réduire le surpoids et le diabète de manière rapide, cette intervention augmente aussi l’espérance de vie des patients. Une étude autrichienne, présentée au congrès Frontiers in CardioVascular Biology (8-10 juillet, Florence, Italie), montre un effet bénéfique sur la longueur des télomères des personnes opérées.
Des télomères 80 % plus longs
L’obésité est un facteur de risque de décès prématuré. Les personnes dont l’IMC excède 35 kg/m2 vivent 8 ans de moins en moyenne. C’est un fait établi. La prise en charge des comorbidités, comme le diabète, est plutôt efficace avant la chirurgie. « Mais la différence est surtout qualitative, souligne le Pr François Pattou, chef du service de chirurgie générale et endocrinienne au CHRU de Lille (Nord) contacté par Pourquoidocteur. Elle diminue de moitié le surrisque de mortalité. »
L’étude menée par l’hôpital Hietzing de Vienne (Autriche) confirme ce constat et va même un peu plus loin. L’équipe spécialisée a suivi 76 de ses patients, âgés en moyenne de 40 ans et dont l’IMC était de 44,5 avant l’intervention. Après deux ans de suivi, ils ont atteint une perte de poids de 38 %. Un résultat dans les normes.
Mais c’est surtout au niveau de la survie que les bénéfices s’observent. Des échantillons sanguins de ces patients ont été prélevés. Les télomères, qui se raccourcissent avec la division des cellules, étaient particulièrement courts au début du suivi. Deux ans après, ils avaient grandi de 80 %. Les protéines inflammatoires, connues sous le nom de cytokines, étaient aussi moins nombreuses dans le sang.
« De nombreux spécialistes s’interrogent sur un effet qualitatif supplémentaire de la chirurgie, confirme François Pattou. Cette étude donne une piste. L’inflammation est un de ces critères multiples qui vont de concert. Il est difficile de séparer lequel est responsable de l’amélioration. »
Le microbiote modifié
Outre la perte de poids et le gain d’espérance de vie, la chirurgie bariatrique est connue pour améliorer considérablement le diabète. La guérison survient avant même la perte de poids, comme l’avait montré une équipe de l’hôpital Bichat. « Certaines interventions ont un effet spécifique sur l’absorption du glucose, qui est moins absorbé à quantité égale avalée », résume François Pattou. De fait, son service a également mis en évidence une action sur l’absorption du sucre et du sel.
D’autres chercheurs, chinois cette fois, avancent encore dans cette lignée. Dans l’American Journal of Pathology, ils montrent que la flore intestinale – aussi nommée microbiote – est altérée par le bypass gastrique. La population de Firmicutes augmente, celle d’Actinobacteria et de Proteobacteria diminue chez des souris génétiquement modifiées. Ces modifications améliorent la tolérance du glucose et la sensibilité à l’insuline, deux critères clé du diabète. Les rongeurs présentaient aussi une moindre accumulation des graisses dans le foie et les tissus adipeux. Le système digestif a donc un rôle important dans cette maladie métabolique.
Tous ces éléments « posent la question de notre connaissance du diabète. Est-ce que l’intestin n’a pas un impact particulier qui a été sous-estimé jusqu’ici ? » C’est en effet ce que suggèrent les publications les plus récentes.
Elargir les indications
Les dernières recommandations françaises en matière de chirurgie bariatrique datent de 2009. Depuis, de nombreuses études font pencher la balance en faveur d’un élargissement des indications. Actuellement, l’intervention est réservée aux personnes dont l’IMC est de 40 – ou de 35 en cas de comorbidités. Abaisser le seuil pourrait faire sens, selon François Pattou. « Une série d’articles parus dans Diabetes Care, écrits par un consortium international, estime qu’il y a un intérêt à opérer les diabétiques les plus sévères sans tenir compte de l’IMC. Mais ce n’est pas pour autant que la Haute Autorité de Santé et l’Assurance maladie vont changer les règles. »
Plusieurs obstacles s’y opposent, à commencer par le coût de l’intervention et du suivi post-opératoire – qui dure toute la vie – et le manque de connaissance sur ses effets à long terme.
Mais le Pr Pattou soulève un problème autrement plus inquiétant : les chirurgiens spécialisés ont déjà un agenda surchargé. « Aujourd’hui, on opère avec un degré de sécurité important, mais ça n’est pas comme pour les médicaments, avertit-il. Si on augmente le nombre d’opérations, il faudra de nouveaux chirurgiens, et ils sont moins expérimentés. La chirurgie bariatrique, c’est une voiture de course qui va dans le mur assez vite. »
La piste serait alors d’affiner autant que possible les connaissances sur les effets métaboliques de la chirurgie, puis de créer un médicament qui les mime. « Le Graal, c’est celui là », conclut François Pattou.
Retrouvez l'émission L'invité santé avec le Pr David Nocca, Montpellier (20 mai 2016)