Les 1,2 million d'agents de la fonction publique hospitalière ne sont pas tous sur un même pied d'égalité. C'est la conclusion du rapport de Yannick L’HORTY intitulé Les discriminations dans l’accès à l’emploi public remis ce mardi au Premier ministre Manuel Valls. Face à ce fléau que sont les préjugés liés à l'ethnie ou à l'origine géographique en matière d'embauche, la fonction publique hospitalière demeure en première ligne.
Pour affirmer cela, les auteurs de ces travaux ont réalisé des tests de discriminations entre les mois d’octobre 2015 et d’avril 2016 pur des poste d'infiermier. Tout d’abord, les critères de sexe et d'origine du candidat ont été testés dans 150 établissements hospitaliers . Le principe est de formuler des demandes fictives d’information auprès d’une administration sur les procédures à suivre pour poser sa candidature à un emploi.
Ainsi, trois identités fictives ont été construites : un candidat masculin qui signale une origine franco-française (Thomas Martin) par son patronyme et son prénom ; une candidate qui signale une origine franco-française par son patronyme et son prénom (Laure Bernard) ; et enfin une candidate qui signale une origine maghrébine par un patronyme et un prénom marocain (Anissa Ali).
Mieux vaut s'appeler Laure qu'Anissa
Et les résultats sont sans appel. Laure a obtenu 35 réponses positives sur ses 153 demandes alors que son homologue masculin, Thomas, en a obtenu 33. Anissa, elle, en a recueillies à peine 25. « La différence entre Laure et Thomas n’est pas statistiquement significative », concluent les auteurs. « Mais la différence entre Laure et Anissa est significative », ajoutent-ils. Ils ont évalué ce risque à 5,7 %.
Ensuite, ils ont testé l’effet d’une origine maghrébine et celui du lieu de résidence dans l’accès à l’emploi, en envoyant au total 3 258 candidatures en réponse à 1086 offres d’emploi. A nouveau, ces tests indiquent que les candidats d’origine maghrébine sont pénalisés dans la fonction publique hospitalière, et qu’il en va de même pour les candidats qui habitent dans un quartier relevant de la politique de la ville.
« Ces discriminations sont parfois plus marquées dans les hôpitaux privés que publics, et elles sont plus fortes pour les emplois qui relèvent de la catégorie C et sont plus marquées pour les emplois contractuels », précisent-ils.
Des résultats "inacceptables" pour Marisol Touraine
La ministre de la Santé n'a pas tardé à réagir. « Les résultats de ce "testing" à l'hôpital public sont inacceptables : l’hôpital public se doit d'être exemplaire dans la lutte contre les discriminations, aussi bien vis-à-vis des patients que vis-à-vis des professionnels qui y travaillent », a-t-elle déclaré à l'AFP.
Marisol Touraine a tenu toutefois à souligner : « Je sais que ces résultats ne sont pas la conséquence d'une volonté discriminatoire des établissements, mais il existe des dysfonctionnements qu'il faut évaluer et corriger sans tarder. Je mettrai tout en œuvre pour garantir l'exemplarité de l'hôpital public face aux discriminations ».
Les solutions du gouvernement
En réponse à ces résultats, la ministre de la Santé a dévoilé le contenu d'un plan d’actions qui sera bientôt déployé pour évaluer et corriger les discriminations relevées. Elle va tout d'abord demander que ces résultats soient présentés à tous les directeurs d'établissements publics de santé. Et que chaque service Ressources humaines (RH) analyse ses pratiques de recrutement.
Avec le soutien de la Fédération Hospitalière de France (FHF), elle va, par ailleurs, construire des modules d'auto-évaluation pour les établissements de santé : « les directeurs pourront ainsi, avec le soutien de leurs représentants du personnel, évaluer leurs pratiques internes et corriger les dysfonctionnements ».
Enfin la ministre s’engage à mener dans six mois un testing national sur un panel d'établissements publics représentant tous les types de structures, partout sur le territoire. Et les résultats seront rendus publics, a-t-elle d'ores et déjà prévenu.