Il y a un an, Emma âgée de 6 ans, a frôlé la mort. Aujourd’hui, elle est en voie de guérison grâce à un traitement original qui utilise le virus du sida. Elle a retrouvé le sourire, sa chevelure, et a repris le chemin de l’école...
Cette petite américaine souffrait d’une leucémie aigue lymphoblastique, raconte le New York times dans son édition d'hier. En général, face à cette maladie, les probabilités de guérison ne sont pas mauvaises, mais elles se réduisent considérablement en cas de récidive. Malgré deux chimiothérapies, sa maladie continuait de se développer. Prêts à tout pour la sauver, ses parents ont demandé un traitement expérimental à l'hôpital pour enfants de Philadelphie, où elle était hospitalisée. Un traitement développé par une équipe de chercheurs de l’université de Pennsylvanie qui n'avait jamais été essayé chez un enfant. Il s’agit d’une thérapie génique qui consiste à reprogrammer des cellules qui participent à la défense immunitaire du corps, les lymphocytes T, pour qu’ils s’attaquent spécifiquement aux cellules cancéreuses.
Comment fait-on ? « Nous prélevons près d'un milliard de lymphocites T du malade, puis nous les mettons en contact avec un virus du sida inactivé, qui les transforme pour combattre efficacement le cancer, et nous les avons réintroduits dans le sang du patient » ,expliquait le Dr Carl Jung, qui a expérimenté en 2011 cette technique sur trois adultes atteints de leucémie chronique.
L’originalité de la technique vise à utiliser les propriétés des virus, notamment celui responsable du sida. En effet, les virus, pour se reproduire, détournent l’activité de la cellule où ils se logent à leur profit. Ils y parviennent en reprogrammant leur hôte par transfert de gène.
Dans le cas de la petite Emma, les médecins ont utilisé un morceau de virus du sida pour que les lymphocytes intègrent un gène qui les spécialise, les rend plus efficaces pour détruire les cellules cancéreuses de la leucémie. C’est un peu le principe du cheval de Troie.
«Avec cette technique, la petite Emma ne deviendra pas séropositive, rassure le Pr Michel Sadelain, qui a lui aussi pratiqué cette technique sur quelques adultes à l’institut Sloan-Kettering de New-York.
Réaliser cette reprogrammation cellulaire n’est pas la seule difficulté. Reste à savoir comment réagit l’organisme du malade suite à l’injection de ces lymphocytes tueurs ultra spécialisés. Le choc est brutal. Température en forte hausse et tension artérielle en chute libre... Emma a été particulièrement secouée. Une situation si « inquiétante » pour les médecins que la famille a été réunie à son chevet. En fait, ces symptômes grippaux extrêmement forts, dus à la production de cytokines par les lymphocytes T, sont le signe d'une âpre bataille contre le cancer.
Quelques semaines ont passé et les effets du traitement ont disparu et, avec eux, la leucémie. Le combat d’Emma n’est pas terminé. « Il faut être prudent, il pourrait encore y avoir quelques cellules leucémiques qui pourraient provoquer une rechute. Mais pour l’instant, c’est vrai que les résultats sont très encourageants, » estime le Pr Michel Sadelain.
Cette technique révolutionnaire est prometteuse pour d’autres types de cancers. Les chercheurs estiment qu’elle pourrait être utile dans certains cancers du sein, cancer de la prostate ou du pancréas. Certains laboratoires pharmaceutiques suivent ces travaux de reprogrammation immunitaire de très près… Mais, il faut rester prudent, la recherche clinique en est encore à ses débuts. Seulement, une douzaine de malades de la leucémie ont expérmienté cette technique. Les chercheurs ne maîtrisent pas tout à fait les effets. Et en 2010, une femme de 39 ans, malade d’un cancer du colon, à un stade avancé, serait décédée des suites de ce traitement expérimental.