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Etude du MIT

Musique : le cerveau n’a pas de préférences innées

Par Audrey Vaugrente

Les goûts pour certains accords musicaux ne sont pas innés. Selon les populations, la notion de dissonance varie. La prédisposition biologique n'existe pas.

Des membres de la tribu Tsimané à la pêche (Photo RNW.org/Flickr)

Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Les oreilles les plus délicates ont tout de même été mises à l’épreuve lors du traditionnel bal des pompiers, ce 13 juillet. Qu’elles se consolent : les notes n’écorchent pas les oreilles de tout le monde. Une étude du Massachussetts Institute of Technology (MIT, aux Etats-Unis) le confirme dans Nature : c’est bien la culture qui structure la façon dont notre cerveau analyse les mélodies.

Des profils variés

L’équipe du MIT n’a pas lésiné sur les moyens pour obtenir ces résultats : elle a rencontré 24 musiciens américains, 25 non mélomanes. Ses membres se sont aussi rendus en Bolivie où ils ont réalisé des tests sur 24 habitants de La Paz, la capitale, et 26 habitants de San Borja, un village proche de la forêt amazonienne. Au cœur de cette forêt, les chercheurs se sont associés à un anthropologue, Ricardo A. Godoy. Depuis plusieurs années, il travaille avec une tribu isolée de l’Amazonie : les Tsimané.

Cette communauté de cultivateurs et cueilleurs se compose de quelques 12 000 personnes dont certaines ont eu très peu de contacts avec la civilisation moderne. « Il est assez difficile de trouver quelqu’un qui n’a pas été beaucoup exposé à la musique pop occidentale, car elle est largement diffusée dans le monde », souligne Josh McDermott, co-auteur de l’étude.

Une musique monophone

Tous ces profils très différents ont été exposés à différents accords musicaux très utilisés dans les mélodies occidentales. Les critères européens et américains ont fixé les règles de la consonance, supposément agréable à l’oreille, et de la dissonance. Mais les résultats de l’étude suggèrent que le cerveau s’accoutume aux sonorités qu’il connaît le mieux. Les accords jugés parfaits par les mélomanes américains et les simples amateurs ne sont pas forcément au goût des autres sociétés.

Les Tsimané composent une musique bien différente : elle allie chants et instruments. Mais chaque musicien joue seul. « Les Tismané étaient particulièrement intéressants car l’harmonie, la polyphonie et les performances de groupe sont absentes de leur musique », écrivent les auteurs.

Pas de goût inné

Dans le cadre de deux études, réalisées en 2011 et 2015, les chercheurs ont fait écouter plusieurs accords aux différents participants, qui ont les réparti entre consonance et dissonance. Les écarts sont flagrants : « Chez les Tsimane, (la préférence) est indétectable et dans les deux groupes boliviens, la préférence est faible mais significative, explique Josh McDermott. Dans les groupes américains, elle est plus élevée et se creuse encore entre les musiciens et les non musiciens. »

Le goût de la musique n’est donc pas inné mais relève bel et bien de l’éducation, concluent donc les auteurs. L’explication biologique a du plomb dans l’aile si l’on suit leurs observations. D’autant que pour noter des sons non musicaux, comme le rire ou un halètement, les réponses des différentes populations étaient rigoureusement similaires.