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Risque de propagation

Épidémie de VIH : l'ONU s'inquiète de la situation en Russie

Par Jonathan Herchkovitch

L'épidémie de VIH risque de repartir dans le monde, avertit l’ONU. Elle met notamment en cause la Fédération de Russie où les nouvelles contaminations ont explosé cette année.

Kuzmafoto/epictura

« Nous tirons la sonnette d'alarme », explique Michel Sidibé. Le directeur exécutif d'ONUSIDA, le programme de l’ONU chargé de la lutte contre le VIH, s’inquiète du manque de résultats dans la bataille contre les nouvelles contaminations. D’après un rapport publié mardi dernier, leur nombre stagne, au mieux, et augmente même dans certaines régions du monde. Entre 2010 et 2015, le nombre de contaminations aurait ainsi progressé de 57 % en Europe de l’Est et en Asie Centrale. La Russie, en particulier, est pointée du doigt.

« Les atouts de la prévention ne sont pas exploités, insiste M. Sidibé. En cas de résurgence des nouvelles infections à VIH, l'épidémie deviendra impossible à maîtriser. Le monde doit immédiatement mettre en œuvre les actions requises pour mettre fin au retard pris en matière de prévention. »

Le risque d'une propagation 

La Fédération de Russie a fait des efforts sur le traitement des personnes séropositives, mais ne fait rien – voire même recule – sur le front de la prévention. La méthadone, substitut à l’héroïne pour les toxicomanes, a été interdite, ce qui fait mécaniquement augmenter les risques de contamination. Les discriminations envers les populations à risque – homosexuels, travailleurs du sexe et leurs clients, personnes emprisonnées – font reculer les campagnes de prévention.

« Si vous ne contrôlez pas l'épidémie au sein de ces groupes, parce que vous les marginalisez, parce que vous les excluez, parce que vous les criminalisez, l’infection risque de s'étendre à l'ensemble de la population », a mis en garde M. Sidibé.

Les associations sont quant à elles accusées d’être des « agents de l’étranger ». Les autorités reprochent en effet à ces ONG leurs financements étrangers, alors qu’il leur est impossible d’en obtenir en Russie. Plus étonnant encore, les fabricants de préservatifs sont condamnés ! Soit légalement, pour d’obscures raisons d’enregistrement sanitaire, soit moralement : ils sont parfois accusés de favoriser l’épidémie en incitant les plus jeunes à avoir des relations sexuelles précoces. Un comble...

La parole préventive est réservée aux autorités religieuses, qui se contentent de prôner l’hétérosexualité, l’abstinence, le mariage et la fidélité. Résultat : plus d’un million de Russes sont séropositifs, soit presque 1 % de la population. En 2014 seulement, 90 000 nouveaux cas ont été enregistrés.

Les chiffres depuis 1980

Le rapport d’ONUSIDA rappelle aussi des chiffres qui démontrent que l’épidémie est loin de son terme : entre 2010 et 2015, presque deux millions de personnes auraient été contaminées dans le monde. Depuis le début de l’épidémie dans les années 1980, 78 millions de personnes auraient été infectées par le VIH, et 35 millions seraient décédées de maladies liées au sida.

Pour mener ce fléau à son terme, il faudrait atteindre l’objectif des 90-90-90 : 90 % des personnes infectées doivent connaître leur séropositivité, 90 % des personnes connaissant leur séropositivité doivent être sous traitement antirétroviral, et 90 % de ces dernières doivent avoir une charge virale indétectable.

 

L’Iran admet ses erreurs 

La part de transmission du VIH par voie sexuelle aurait doublé en dix ans pour passer de 15 à 30 % en Iran. La faute aux contraintes religieuses qui empêchent de parler de sexualité, estime le vice-ministre de la santé iranien, Ali Akbar Sayari.

« La transmission du sida lors de relations sexuelles est en augmentation et la population doit en être ouvertement informée si nous voulons contrôler » le phénomène, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse avec un dirigeant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Oleg Chestnov.

Il rappelle qu’il est par exemple interdit de parler publiquement de préservatifs, même si ceux-ci sont en vente libre. La prostitution et l’homosexualité posent aussi problème.

Le ministère de la Santé iranien évalue le nombre de séropositifs à environ 32 000. D’après ONUSIDA, il serait deux à trois fois plus élevé.