Les industriels du tabac tenteraient-ils de faire pleurer dans les chaumières ? C'est en tout cas le sentiment qui se dégage à la lecture de deux articles du Figaro qui avance ce mercredi avoir dégoté la dernière mesure antitabac de la ministre de la Santé. D'après le quotidien, Marisol Touraine tenterait ni plus ni moins de retirer de la vente certaines marques de cigarettes !
La locataire de l'avenue Duquesne (Paris) aurait même commencé à avancer ses pions. Son décret de loi serait ainsi actuellement en cours d'examen devant le Conseil d'État. Seraient concernées les marques dont la ministre estime que le nom fait la promotion du tabac. Dans cette liste, on trouve entre autres les cigarettes Gitanes et Gauloises, mais aussi les marques Lucky Strike, Vogue, News, Fortuna ou encore la version Gold de Marlboro.
Une menace sérieuse pour les industriels
Cette mort annoncée de certains paquets inquiète beaucoup l'auteur de l'article. Il souligne ainsi « la volonté de la ministre de stigmatiser les industriels du tabac ». Ces derniers ne sont pourtant pas prêts à baisser les bras. Le Figaro avance que les patrons des quatre principaux industriels (SEITA, Philip Morris, British American Tobacco et JTI) ont écrit le 8 juillet dernier au premier ministre, Manuel Valls, afin de lui réclamer un rendez-vous urgent sur le sujet. François Hollande et trois autres ministres, dont Marisol Touraine, seraient également en copie de la missive. Contactés par Pourquoidocteur, plusieurs militants de la lutte antitabac sont dubitatifs. Pour eux, il s'agirait surtout d'un nouveau coup de communication de l'industrie du tabac.
Juridiquement impossible
C'est le cas de Jacques Le Houezec, consultant indépendant en Santé publique et dépendance tabagique. Il confie : « Quand j'ai vu passer ça ce matin, j'ai pensé à une blague. Un instant, j'ai cru que c'était une information Le Gorafi. Mais surtout, je ne comprends absolument pas le but de cette supposée mesure. D'après moi, c'est tout simplement impossible à mettre en œuvre ».
Interrogé par 20 minutes, Me Olivier Pignatari, spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, confirme cette version. Cet avocat rappelle que « l’article 13 de la directive européenne sur les produits du tabac porte sur l’absence d’incitation à la consommation de ces produits. De ce point de vue, il en restreint la promotion, ce que le droit français fait déjà notamment avec la loi Evin. Les termes de la directive, qui a été transposée en droit français, ne paraissent pas de nature à interdire l’utilisation d’une marque pour identifier un produit du tabac », pense-t-il. L'homme de loi explique ensuite que c'est peut-être certaines appellations bien précises (et pas les marques dans leur ensemble) qui pourraient devoir changer de nom.
Un coup de communication ?
Pour sa part, le Dr Alain Basset, vice-président de l'ANPAA (1), ne croit pas dans cette annonce : « Marisol Touraine va mettre en place le paquet neutre et c'est déjà pas mal. Ca m'étonnerait beaucoup qu'elle aille jusqu'à interdire des marques de cigarettes juste parce qu'elles ont des appellations attirantes ou incitatives », a-t-il confié à notre rédaction.
Il souligne d'ailleurs que la ministre de la Santé n'a, en tout cas, « jamais fait de déclarations en ce sens ». Ce médecin spécialisé en santé publique pense plutôt que « l'industrie du tabac joue à se faire peur et qu'elle crie au loup avant d'avoir mal ». « Je pense qu'il n'y a rien derrière, à part la défense d'une industrie. Ah les pauvres cigarettiers sont attaqués », conclut-il avec ironie... Quoi qu'il en soit, personne à part Le Figaro n'avait visiblement entendu parler de ce projet ministériel. Le mystère sur les intentions du gouvernement à ce sujet reste donc entier.
(1) L'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie