Incarcérés, certes, mais pas dénués de droits. Les détenus souffrent de problèmes de santé comme la population générale. Leur prise en charge, en revanche, laisse à désirer. Malgré une tentative d’amélioration en 1994, l’accès aux soins reste inégal et lacunaire. Le bilan, dressé ce 19 juillet par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), n’est pas tendre à l’égard des soins pénitentiaires.
7 fois plus de suicides
En 2015, 66 270 personnes étaient incarcérées dans les 188 établissements de France. Leur santé, physique et mentale, est largement moins bonne que celle des personnes non condamnées : hépatite B et VIH y sont quatre fois plus présents. Le taux de suicides, lui, est sept fois supérieur à la moyenne générale.
Face à cette exigence de soins, deux plans ont été introduits en milieu carcéral. En 1994, le droit commun s’impose aussi aux détenus, qui ont donc les mêmes droits que le reste de la population. Depuis 2010, des unités sanitaires sont implantées dans les établissements pénitentiaires.
Deux mesures qui ont permis de doubler les effectifs de professionnels de santé disponibles dans ces lieux sur la période 1997-2013. Mais de nombreux postes dits « budgétés », c’est-à-dire dont le financement est prévu, ne sont pas pourvus : du côté des spécialistes, ce sont 22 % contre 15 % du côté des psychiatres.
Les problèmes de démographie médicale, déjà observés dans la vie civile, s’ajoutent au manque d’attractivité des carrières en prison. « Au regard de ces difficultés, la développement de la médecine en milieu carcéral est nécessaire et pertinent mais ne saurait être qu’une modalité complémentaire d’accès aux soins », jugent les rapporteurs.
Plus de prévention
En fait, tous les établissements pénitentiaires sont concernés par des lacunes d’organisation dans la permanence des soins, censée assurer l’accès à une prise en charge à tout moment. Sans compter que les pratiques sont pour le moins disparates : « La mission a constaté des pratiques et un niveau de collaboration très différenciés suivant les régions et les établissements », relèvent les auteurs.
Ils préconisent donc plusieurs améliorations, s’appuyant sur le plan développé entre 2010 et 2014. En leur cœur se situe la délicate thématique de la prévention : éducation à la santé, prévention des maladies non transmissibles et du suicide sont autant de domaines où la prise en charge est défaillante, voire absente. De fait, sur les 10 premiers mois de l’année 2015, 91 suicides ont eu lieu dans l’enceinte des prisons françaises.
Les rapporteurs souhaitent aussi réduire les risques liés aux addictions et développer les cellules non-fumeurs. D’autres axes doivent s’ajouter aux programmes existants, concluent-ils : la protection sociale est à refonder totalement et l’accès aux soins hors détention doit se développer, via l’extraction et l’aménagement des peines pour motifs médicaux. Ils plaident aussi en faveur d’une meilleure lisibilité de l’offre de soins, dont le financement est jugé trop complexe. Ces nombreux problèmes sont récurrents et leur résolution est mal engagée : un rapport d'Human Rights Watch et un bilan de la Contrôleure générale des lieux de détention ont également pointé les défauts français dans ce secteur.