La Chine, pionnière dans l’édition des gènes ? Le pays communiste sera en tout cas le premier à expérimenter la technique CRISPR-Cas9 chez l’être humain. A partir du mois d’août, l’hôpital West China de Chengdu, dans la province du Sichuan, lance un essai clinique dans le cancer du poumon. Le traitement consistera à retirer un gène clé à l’aide de ces « ciseaux moléculaires ».
L’accord éthique, obtenu le 6 juillet, ouvre à l’équipe de Lu You la possibilité de recruter des patients atteints de tumeurs au poumon. Leur profil est pour le moins restreint : seules les personnes souffrant d’un cancer non à petites cellules de stade métastatique, et pour lesquelles toutes les options thérapeutiques ont échoué, auront le droit d’expérimenter le traitement à base d’édition génétique. « Les options de traitement sont très limitées », comme le souligne l’oncologue chinois.
Agir sur la réponse immunitaire
Au sein de l’établissement, plusieurs étapes seront accomplies. Les experts vont d’abord extraire des lymphocytes T, chargés des défenses immunitaires, du sang des malades. Commence ensuite la phase d’édition : à l’aide de la méthode CRISPR-Cas9, le gène qui encode la protéine PD-1 sera retiré. Cette protéine, qui régule la réponse immunitaire, évite que l’organisme n’attaque les cellules saines. Mais les tumeurs profitent de cette astuce et passent pour des tissus sains.
Une fois éditées, les cellules seront multipliées en laboratoire puis injectées à nouveau dans la circulation sanguine. Elles devraient, si la réaction est conforme aux attentes des chercheurs, circuler jusqu’à la tumeur et l'attaquer.
La lutte cino-américaine
Le principe de cette approche est similaire à celui sollicité par les immunothérapies : agir sur la protéine PD-1 et booster la réponse immunitaire contre les tumeurs. Les chercheurs espèrent toutefois que leur méthode se montrera plus efficace. En effet, seuls 20 à 30 % des patients répondent au traitement par immunothérapie. « Cette technique est vraiment prometteuse : elle pourrait apporter des bénéfices aux patients, particulièrement ceux que nous traitons tous les jours pour cancer », s’enthousiasme Lu You.
Mais comme pour les immunothérapies, les lymphocytes T ne sont pas spécifiques aux tumeurs. Des réactions auto-immunes peuvent donc survenir. C’est pourquoi l’essai consistera, dans un premier temps, à s’assurer que la sécurité des patients est assurée. Seuls 10 personnes seront recrutées et trois dosages différents seront évalués, avec une montée en charge progressive.
Cet essai clinique n'est pas sans rappeler celui annoncé récemmentaux Etats-Unis. Et il semble bien qu'une nouvelle bataille médico-scientifique soit maintenant engagée entre les chercheurs chinois et américains. Ces derniers ont obtenu un accord des Instituts nationaux pour la santé (NIH) pour un essai clinique visant aussi à retirer le gène PD-1 et un autre gène, avant d’en insérer un autre. Les recherches américaines devraient elles démarrer d’ici la fin de l’année 2016.