350 millions de personnes souffrent de dépression dans le monde. Toutes n’ont pas accès au traitement de référence, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Manque de formation, coût de la prise en charge, délais d’attente… les raisons sont nombreuses à ces lacunes. Une équipe de l’université d’Exeter (Royaume-Uni) propose une alternative, essai à l’appui, dans le journal The Lancet.
Un manque de professionnels
Cette alternative s’appelle l’activation comportementale. Moins connue que la TCC, cette psychothérapie « de troisième génération » a été fondée en 1979. L’approche est sensiblement similaire mais elle aborde la dépression sous un autre angle. Au lieu de modifier la façon de penser le monde, comme c’est le cas pour la TCC, l’activation comportementale aide le patient à changer ses actions.
Concrètement, le thérapeute a pour objectif de corriger le comportement, partant du principe qu’il interagit avec l’humeur. La personne dépressive est donc incitée à vivre les situations positives, les provoquer le plus possible, et à faire face aux situations difficiles en adoptant d’autres attitudes.
Mais cette méthode n’est pas recommandée en première ligne. La thérapie cognitivo-comportementale domine nettement dans le secteur. Pour le NICE, équivalent britannique de la Haute Autorité de Santé, les preuves sont insuffisantes pour changer de paradigme. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en revanche, estime que l’activation comportementale « doit être envisagée » en présence de symptômes dépressifs.
Efficacité similaire
Ce statu quo n’est pas pour le mieux. Au Royaume-Uni, un patient sur dix atteint de dépression attend plus d’un an avant de bénéficier d’une TCC. L’équipe britannique a donc lancé un large essai comparant les deux psychothérapies. Ils espèrent ainsi obtenir un bilan plus concluant. 440 adultes ont été recrutés et ont bénéficié, de manière aléatoire, à 20 séances d’activation comportementale ou 20 séances de la thérapie de référence.
Un an après le début du traitement, les deux méthodes sont d’une efficacité similaire. Deux personnes sur trois ont rapporté un recul de moitié des symptômes dépressifs. Le nombre de jours passés sans dépression est similaire dans les deux groupes. Il en est de même pour les diagnostics d’anxiété.
Moins coûteuse
Le véritable avantage de l’activation comportementale se situe sur le plan financier : pour une thérapie complète, il faut débourser 974 livres – soit 1 164 euros. Une TCC coûte 1 235 livres – soit 1 476 euros. Sans prendre en compte la formation, réservée aux spécialistes de la santé mentale, l’économie est donc de 20 %. Les chercheurs y voient donc une solution au manque de professionnels de santé. En effet, des personnes moins formées peuvent pratiquer l’activation comportementale. Elle « devrait être le traitement de premier recours pour la dépression au Royaume-Uni, et elle possède un énorme potentiel pour améliorer l’accès à une psychothérapie dans le reste du monde », estime David Richards. Le Britannique reconnaît toutefois que d’autres solutions sont nécessaires pour le tiers de patients qui ne répond ni à la TCC ni à l’activation comportementale.
Ce n’est pas le seul obstacle qui s’oppose à l’usage de cette approche. Les Dr Jonathan Kanter – université de Washington (Seattle, Etats-Unis) – et Ajeng Puspitasari – université de l’Indiana (Etats-Unis) – soulignent que peu de professionnels sont formés à cette nouvelle psychothérapie, peu de patients acceptent d’en bénéficier et les idées reçues sont encore nombreuses sur ce traitement. « L’activation comportement est un traitement prometteur qui doit être envisagé dans le cadre d’efforts internationaux pour surmonter ces obstacles », concluent-ils.