Les héros ont beau nous fasciner, ils ne sont pas infaillibles et peuvent eux aussi souffrir de problèmes de santé. Après avoir analysé la santé de Tintin en 2015, des chercheurs français se sont penchés sur le cas de son fidèle acolyte le capitaine Haddock, dans une étude parue dans la revue La Presse Médicale. Pour déterminer qui des deux personnages est le plus en forme, les cinq chercheurs ont déterminé au préalable des critères précis pour qualifier les problèmes de santé. Ils ont ensuite relu les quinze albums d’Hergé dans lesquels apparaît le capitaine Haddock et compté scrupuleusement tous ses pépins de santé.
Le vieux marin en recense 249 contre 244 pour Tintin, dont respectivement 190 et 193 traumatismes : les deux amis sont donc au coude à coude. Cependant, Tintin est plus malmené qu’Haddock, 23 % de ses traumatismes le conduisent à perdre connaissance, contre seulement 2,5% pour le capitaine. Ils sont aussi généralement plus graves pour le reporter.
Addictions
Mais le vieux loup de mer n’est pas en reste. Outre le fait qu’il subisse davantage de problèmes de santé par aventure (de 4 à 27 par album), il souffre d’un problème majeur, l’alcoolisme. Haddock connaît de nombreuses intoxications aiguës à l’alcool, déclenche un épisode de délirium tremens (phénomène de manque se traduisant par des délires) et teste même une pilule anti-alcool concoctée par le professeur Tournesol, qui lui fera passer un mauvais quart d’heure. S’il n’en fallait pas plus pour se convaincre du problème d’alcoolisme du marin, un médecin le lui confirme et lui diagnostique une cirrhose alcoolique.
Mais la rencontre avec le jeune reporter constitue un tournant pour Haddock. En sa compagnie, le capitaine diminue sa consommation d’alcool, limitant ainsi les problèmes de santé qui en découlent. « Dans un binôme, soit l’un entraîne l’autre dans son addiction, soit l'autre peut l’aider à s'en sortir, et c’est ce qui se passe pour le capitaine Haddock, explique Éric Caumes, infectiologue à l'hôpital de la Pitié Salpêtrièr, et co-auteur de ces travaux. Cela dit, il passe plutôt d’un alcoolisme invétéré à un alcoolisme plus mondain, en présence de ses amis ».
Outre l’alcool, le capitaine s’adonne à un autre plaisir dangereux : fumer. Cela lui occasionnera plusieurs brûlures, ses doigts, et sa barbe notamment, prennent feu lorsqu’il ne se sert pas correctement des allumettes, de sa pipe ou d’un cigare.
Stress post-traumatique
Les voyages sont aussi sources de mauvaises surprises pour le marin. Pas de mal de mer, mais des piqûres de moustiques, des otalgies barotraumatiques (sensation d’oreille bouchées lorsque l’on prend l’avion), ou encore des troubles liés au décalage horaire. Cependant, on ne vient pas à bout d’un valeureux compagnon aussi facilement. Si Haddock a parfois des crises d'anxiétés ou des phases de dépression, il est moins sujet aux atteintes psychologiques que son ami. « Tintin souffre d’anxiété, de troubles du sommeil, il fait des cauchemars et des angoisses qui peuvent faire penser à des épisodes de stress-post-traumatiques », indique Éric Caumes.
La médecine d’Hergé
Si le sujet peut prêter à sourire, cette étude montre pourtant que l’auteur belge Hergé avait une vraie démarche scientifique et rigoureuse. Les descriptions d’événements traumatiques ou d’accidents médicaux sont fidèles à la réalité. « Hergé témoigne de la médecine de son époque. On voit par exemple une entorse plâtrée, comme il était courant de faire à cette époque », souligne Éric Caumes. Il suggère même d’utiliser les aventures de Tintin et sa bande pour illustrer certaines pathologies, particulièrement bien décrites ou dessinées, à des étudiants.
Quid des autres personnages ? « Il faudrait s’associer à un vétérinaire, pour Milou, ou un ORL pour le professeur Tournesol. Mais ça n’est pas prévu pour le moment », confie Éric Caumes. Avis aux amateurs…