C’est ce qu’on appelle avoir du nez. Une équipe de l’université de Tübingen (Allemagne) a découvert une bactérie à l’activité antibiotique dans le corps humain. Niché dans la fosse nasale, Staphylococcus lugdunensis produit un antibiotique nouveau : la lugdunine. Elle est capable d’agir contre plusieurs bactéries pathogènes, dont le tristement célèbre Staphylococcus aureus (staphylocoque doré). Les auteurs de cette découverte présentent leurs résultats dans la revue Nature.
Une bactérie protectrice
Les travaux n’en sont qu’à un stade préliminaire, mais la lugdunine porte sur elle les espoirs de la communauté scientifique. Et pour cause : cet antibiotique produit par une bactérie endogène agit contre un large éventail d’agents pathogènes… y compris les bactéries les plus résistantes dites « gram-positives », comme le staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM).
Pour s’en assurer, les chercheurs ont prélevé des échantillons nasaux sur 187 patients hospitalisés. 5,9 % abritaient, dans leur nez, un Staphylococcus aureus. Les personnes au nez dépourvu de Staphylococcus lugdunensis étaient 34,7 % à posséder la bactérie pathogène. Et les auteurs le précisent : nombre d’infections systémiques sont liées à des bactéries déjà présentes dans l’organisme.
Efficace chez la souris
L’organe olfactif pourrait receler bien d’autres surprises : son microbiote est riche de 50 espèces bactériennes différentes. « C’est la raison pour laquelle nous avons observé cette zone du corps. Cela nous a mené à des résultats vraiment inattendus et enthousiasmants, qui pourraient être très utiles afin de définir de nouveaux concepts dans le développement des antibiotiques », s’enthousiasme Andreas Peschel, contacté par l’agence Reuters.
La lugdunine représente en plus une alternative aux classes antibiotiques actuelles, isolés à partir de bactéries présentes dans l’environnement ou dans le sol. Le recours au microbiote humain soulève donc l’espoir d’une nouvelle génération de médicaments. Ils sont nécessaires car, comme le soulignent les auteurs : « très peu de composés sont en développement, et la majorité d’entre eux sont des congénères des classes utilisées actuellement ».
L’enthousiasme est de mise puisque la nouvelle molécule a livré des résultats positifs chez des souris atteintes d’infections cutanées. Il faudra toutefois de longues années de recherches avant de parvenir à un médicament utilisé en routine chez l’être humain. D'ici là, la lutte contre l'antibiorésistance aura dû se coordonner.