Elles sont les victimes collatérales de l’épidémie d’Ebola qui a frappé l’Afrique de l’Ouest à partir de décembre 2013. En Sierra Leone, Guinée ou Libéria, nombreuses sont celles qui ont préféré rester chez elles pour accoucher au lieu de se rendre dans une maternité. La santé maternelle et infantile ont été durement touchées par l’épidémie d’Ebola la plus meurtrière. Des conséquences visibles même dans les régions épargnées par le virus, rapporte une étude menée au Liberia, et parue ce mardi dans la revue PLOS Medicine.
En à peine 2 ans, plus de 28 600 hommes, femmes et enfants ont contracté la fièvre hémorragique à virus Ebola, dont 11 310 en sont morts. Les derniers survivants sont sortis des centres de traitements ces dernières semaines, et la fin de la transmission de ce virus mortel a été annoncée en Sierra Leone, Libéria et Guinée.
Mais les systèmes de santé de ces pays garderont encore longtemps les traces de l’épidémie d’Ebola. Pas moins de 500 professionnels de santé ont perdu la vie en tentant de sauver celles des malades. Certains centres de soin ont dû fermer leurs portes, faute de médecins, infirmières ou sages-femmes partis dans les centres de traitements soutenir leurs confrères. Des infrastructures encore fermées aujourd’hui.
Peur, paranoïa et fausses croyances
Une situation chaotique qui a menacé la vie de milliers de femmes enceintes et leurs nouveau-nés. C’est cette conséquence indirecte de l’épidémie d’Ebola que les chercheurs de l’université de Georgetown, en collaboration avec l’organisation Last Mile Health qui se consacre à la santé dans les zones rurales du Liberia, ont voulu évalué afin de mieux comprendre comment reconstruire le système de santé de ces pays.
En comparant les naissances, et notamment les lieux d’accouchement, avant et pendant l’épidémie, les chercheurs ont noté que 30 % des femmes enceintes ne s’étaient pas rendues dans une maternité au cours de la flambée épidémique. « Le district que nous avons étudié a été affecté par Ebola, et ses infrastructures sont restées ouvertes, contrairement à d’autres régions du pays où l’épidémie était plus intense », explique John Kraemer, auteur principal de ces travaux. Ainsi, nos résultats sous-estiment sans doute l’impact de l’épidémie sur les maternités dans les zones sévèrement touchées. »
La peur de contracter le virus Ebola semble être la raison principale ayant amené les futures mères à fuir les maternités. En effet, chez les mères persuadées que le virus est transmis dans les centres de santé, le taux d’accouchement en maternité est 41 % plus faible que chez les femmes n’ayant pas cette pensée erronée.
En Sierra Leona, la paranoïa et les rumeurs de conspiration du personnel médical contre la population a également conduit à l’évitement des maternités. Le taux de mortalité en couche et celle des nouveau-nés avaient alors grimpé et atteint respectivement 30 et 24 %. Le pays avait pourtant réussi à améliorer la santé maternelle et infantile ces dernières années.
Reconstruire un système de santé plus fort
Le Liberia connaît lui aussi le même retour en arrière. « Avant l’épidémie, le pays avait réalisé des progrès immenses. Le taux de bébés nés dans les maternités avait beaucoup augmenté, ce qui s’est traduit par des mères et des enfants en meilleure santé, souligne John Kraemer. Les services de santé maternelle, comme presque tous les autres services de santé au Libéria, ont été gravement endommagés. Il est crucial de se concentrer sur la reconstruction de ce système de santé, qui demandera des investissements sur le long-terme ».
En juillet 2015, un rapport de la Banque mondiale publié dans la revue The Lancet Global Health a alerté sur les conséquences de l'épidémie d'Ebola sur la santé maternelle. Elle a estimé que les décès des professionnels de santé imputables à Ebola pourraient entraîner une recrudescence de la mortalité maternelle en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, avec un retour à des taux observés dans les années 1990. Plus de 4 000 femmes supplémentaires par an risqueraient ainsi de succomber à des complications pendant une grossesse ou un accouchement. La Banque mondiale avait alors appelé ces pays à augmenter considérablement le nombre d'agents de santé.
Pour John Ly, co-responsable de ces travaux et directeur médical de l’organisation Last Mile Health, « bâtir et préserver un système de santé plus fort est indispensable pour prévenir les menaces futures ».