Le BCG est à l’heure actuelle le seul vaccin disponible contre la tuberculose, mais son efficacité antigénique demeure limitée et sa protection s’atténue avec le temps. Dans un contexte de réémergence de la tuberculose avec l’épidémie de VIH et de multirésistance accrue des souches bactériennes, l’élaboration d’un nouveau vaccin constitue une priorité de santé publique.
Un nouveau mécanisme d’atténuation
A l’Institut Pasteur, Laleh Majlessi, de l’unité Pathogénomique Mycobactérienne Intégrée, et en collaboration avec l’Université de Pise (Italie), développe une souche de Mycobacterium tuberculosis atténuée selon une nouvelle technique.
Cette nouvelle souche est déficiente pour cinq protéines transitant par le transporteur ESX-5, protéines qui appartiennent à la grande famille des protéines PE/PPE. Ces 5 protéines sont des facteurs de virulence très importantes pour la pathogénicité de la bactérie.
Des systèmes de virulence mieux connus
L’équipe de Pasteur a étudié les techniques de défense des cellules immunitaires en réponse aux facteurs de virulence de Mycobacterium tuberculosis, et elle a pu établir une cartographie fine des mécanismes sous-tendant l’efficacité d’une souche vaccinale.
Les mycobactéries possèdent une enveloppe cellulaire très dense et doivent donc utiliser des systèmes de transport complexes, appelés « ESX », pour permettre aux protéines de traverser cette barrière.
Mycobacterium tuberculosis, la bactérie responsable de la tuberculose, possède trois de ces systèmes : ESX-1, ESX-3 et ESX-5. Les souches dépourvues de ces systèmes sont incapables de provoquer la maladie, ce qui souligne leur rôle crucial.
La souche du BCG, par exemple, est en fait une version de Mycobacterium bovis atténuée, rendue non virulente par plusieurs modifications génétiques, dont une entraînant l’absence d’un système ESX-1 fonctionnel.
Un répertoire antigénique aussi large
Les résultats montrent que, contrairement à la souche BCG, cette nouvelle souche vaccinale possède un répertoire antigénique aussi large que Mycobacterium tuberculosis.
Si l’absence des cinq protéines de virulence précitées la rend inoffensive, cette souche peut en effet, grâce à son transporteur ESX-5 toujours actif, exporter les autres protéines PE/PPE.
Reconnues comme étrangères par le système immunitaire, celles-ci déclenchent une réaction de défense dirigée contre l’ensemble des protéines PE/PPE chez les souris ayant reçu la souche vaccinale.
La mise à profit de la ressemblance moléculaire
C’est en effet sur la ressemblance moléculaire entre toutes les protéines PE/PPE que repose l’efficacité de cette nouvelle souche. Le système immunitaire ne peut pas distinguer les minimes différences entre toutes ces protéines PE/PPE cousines et la nouvelle souche vaccinale atténuée : il va donc générer une réponse immunitaire contre des facteurs de virulence dont la nouvelle souche est dépourvue.
L’étude souligne que la souche vaccinale, dont le transporteur ESX-1 demeure intact, a une capacité accrue de stimuler le système inné de l’immunité, levier immunitaire que le BCG, défectueux pour ESX-1, est incapable d’activer.
Une validation pré-clinique de l’efficacité
L’efficacité accrue de la nouvelle souche vaccinale se traduit également dans le modèle-animal de référence. « Comparée au BCG, la vaccination par ce nouveau candidat vaccin permet de contrôler d’une manière bien plus performante la croissance intra-pulmonaire du bacille, ainsi que le développement des lésions tuberculeuses destructrices, dans le modèle préclinique chez la souris », explique Laleh Majlessi.
Cette étude s’inscrit dans le cadre du consortium européen TBVAC2020.