Pour un non-initié, la pratique peut sembler un peu extrême. Le grand public l’a découverte il y a deux jours sur les torses et les dos nus de plusieurs nageurs olympiques, en particulier au sein de la délégation américaine. Sur les peaux des sportifs, d’inquiétants cercles rouges-brunâtres, tels des hématomes contractés au cours d’une étrange prise de bec.
Les nageurs en question n’ont en fait été victime d’aucun sévices - en tout cas, ces traces n’en sont pas la preuve. Ils ont subi une séance de cupping, technique qui consiste à aspirer la peau à l’aide de ventouses, ce qui a pour effet secondaire l’émergence de ces taches impressionnantes mais éphémères.
FUN FACT: Those circles are the end product of an ancient healing technique called cupping. #Rio2016 pic.twitter.com/BsP1PPjqBQ
— NBC Olympics (@NBCOlympics) August 8, 2016
Circulation sanguine et lymphatique
La méthode ancestrale est pratiquée depuis des siècles en médecine chinoise. Les sportifs occidentaux se la sont appropriée pour compléter l’arsenal visant à soulager leur corps très sollicité. A Hollywood, des stars ne jurent elles que par le cupping pour se relaxer.
La séance n’a pourtant rien d’une partie de plaisir. « On place les ventouses sur la zone enflammée ou douloureuse, puis à l’aide d’un dispositif, on pompe l’air, ce qui fait remonter la peau et le fascia (tissu sous-cutané) en formant un dôme », explique Mikael Berthommier, préparateur sportif professionnel. On peut alors laisser la ventouse quelques secondes (une dizaine en moyenne), ou bien la déplacer légèrement afin de drainer le fascia, « ce qui peut laisser ces marques violettes, noires, rouges, cela dépend des peaux ».
L’objectif est d’améliorer la circulation sanguine et lymphatique. A en juger les réactions des sportifs ventousés, on image le moment assez douloureux. Sur Instagram, la nageuse Natalie Coughlin déclare se « marrer tellement ça fait mal » ; dans une publicité qui montre brièvement une séance, Michael Phelps n’a, lui, pas l’air de rigoler du tout.
Mikael Berthommier, qui entraîne les sportifs du pôle Espoir Natation de Nantes ainsi que des individuels en compétition, a recours à cette technique dans des circonstances précises, pour des tendinopathies ou des épicondylites, une inflammation musculaire de l’avant-bras fréquente chez les tennismen. Y ont aussi droit les sportifs victimes du « syndrome de l’essuie-glace », une douleur au niveau du genou qui s’exprime notamment chez ceux qui courent lentement suivant le même angle articulaire.
« Pour ces sportifs, la technique de la ventouse permet de casser les fibres tendineuses, mais elle n’est pas suffisante : elle doit s’accompagner d’un travail musculaire excentrique pour que les fibres puissent se réparer dans le bon sens », précise Mikael Berthommier.
Pas de preuves scientifiques
La méthode n’a pas été éprouvée scientifiquement, « comme beaucoup de procédés de récupération (étirements, massages, cryothérapie…), qu’on a utilisés sans vraiment connaître leur intérêt et qui commencent à être remis en cause parce qu’il n’y a pas de preuves scientifiques de leur efficacité sur le plan physiologique », fait remarquer Mikael Berthommier. Par ailleurs, il existe un effet de mode ; si le cupping est en vogue chez les sportifs d’aujourd’hui, rien ne permet de penser que son succès perdurera.
Les remontées de terrain sont toutefois bonnes en ce qui concerne le soulagement de douleurs. « Ca peut parfois éviter des séances chez le kiné qui pratique les ondes de choc pour casser les fibres - une méthode beaucoup plus douloureuse ! ». Sur le plan de la seule récupération, le bénéfice est peut-être plus contestable puisque très localisé.
Enfin, pour comprendre l’efficacité empiriquement observée, l’effet placébo est à prendre en compte - composante que les études et les critères scientifiques actuels peinent à mesurer. « Si un sportif se sent mieux après un massage ou une séance de ventouses, alors il ne faut pas jeter ces techniques à la poubelle », tranche Mikael Berthommier. Même si ces sportifs doivent le payer de leur peau !