Pourra-t-on un jour soigner la paraplégie et faire marcher les paralysés ? C’est en tout cas l’ambition d’un projet international initié à Sao Paulo (Brésil) en 2013. Le « Walk Again Project » a fait parler de lui lors de la dernière coupe du monde de football, dont le dont le coup d’envoi a été donné par un paraplégique muni d’un exosquelette.
Le consortium de chercheurs publie maintenant sa première étude. Dans la revue Nature, ils racontent comment les huit patients inclus dans le projet ont réussi à retrouver des sensations partielles au niveau de leurs membres inférieurs, ainsi que le contrôle de leurs muscles par le biais d’un programme utilisant l’interface homme-machine.
De paralysie complète à partielle
Les patients en question avaient tous subi des lésions à la moelle épinière et étaient de ce fait paralysés depuis au moins cinq ans au début de l’étude. Le protocole mis en place incluait en premier lieu un programme intensif d’immersion en réalité virtuelle et de signalisation tactile et visuelle. Ces interfaces homme-machine, connectées au cerveau des patients, utilisent l’activité cérébrale des sujets pour simuler le contrôle de leurs jambes, expliquent l’équipe de chercheurs, menée par Miguel Nicolelis (Université de Duke).
Un patient en train de s'entraîner en réalité virtuelle, grâce à un avatar.
Crédit : AASDAP/ Lente Viva Filmes
Les participants ont également effectué des mouvements de marche grâce à des actionneurs robotiques, dont l’exosquelette utilisé lors de la Coupe du monde, capable de se déplacer en suivant la pensée du sujet (préalablement codée et transformée en signaux) et de lui délivrer des sensations tactiles.
Après un sept mois d’entraînement, plusieurs participants ont vu les premières améliorations au niveau de leurs fonctions motrices, de leurs sensations tactiles et des fonctions viscérales situées sous la lésion de la moelle épinière (vessie, intestin). Après un an, chez quatre patients, « la sensation et le contrôle musculaire avait tellement évolué que les médecins ont modifié leur diagnostic, passé de paralysie complète à partielle », précisent les auteurs.
Des nerfs encore intacts
Une femme a pu pour la première fois « sentir son bébé et les contractions lors de l'accouchement » de son second enfant. Plusieurs hommes ont également fait état d'une amélioration de leurs performances sexuelles. « Certains d'entre eux ont récupéré la possibilité d'avoir des rapports sexuels, des érections », a relaté l'équipe.
« L’un des participant, le 'Patient 1', une femme de 32 ans paralysée depuis 13 ans au moment de l’étude, a probablement connu les changements les plus impressionnants, indiquent les auteurs. Au début de l’entraînement, elle était incapable de rester debout en utilisant les appareils (…). Au bout de 13 mois, elle pouvait bouger ses jambes volontairement, soutenue par un harnais ». Une autre femme a récupéré la capacité de s'asseoir et de conduire.
C’est la première fois que ces fonctions sont réhabilitées chez des patients atteints de paralysie complète depuis si longtemps. Selon l’équipe de chercheurs, ces résultats s’expliqueraient par le fait que certains nerfs spinaux seraient encore intacts, malgré la lésion. « Ces nerfs pourraient rester inactifs pendant des années car il n’y a pas de signal envoyé par le cortex aux muscles. Mais à travers le temps, s’entraîner avec l’interface homme-machine permettrait de reconnecter ces nerfs. »