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Cancer du col de l'utérus

Infections à HPV : "peigner" l'ADN pour prédire l'évolution des lésions

Par Stéphany Gardier

Le peignage moléculaire pourrait permettre de développer un test plus spécifique pour mieux repérer les lésions pouvant évoluer vers un cancer.

SweetWhisper/epictura

Peigner les molécules d’ADN ? Une idée qui peut sembler saugrenue de prime abord mais depuis sa mise au point, à la fin des années 1990, le peignage moléculaire a permis des avancées notables dans le diagnostic de plusieurs maladies génétiques. Aujourd’hui c’est dans les infections à HPV que la technique, développée par Genomic Vision, pourrait montrer son utilité. Un essai clinique multicentrique a été lancé il y a quelques semaines, en France et en République tchèque, pour évaluer un nouveau test qui pourrait permettre de mieux repérer les lésions précancéreuses susceptibles d’évoluer vers un cancer du col de l’utérus. De premiers résultats sont attendus début 2017.

 

Analyse structurelle de l'ADN

Aaron Bensimon était jeune chercheur en génétique à l’Institut Pasteur quand il a mis au point le peignage moléculaire avec son frère, physicien. « Comme c’est souvent le cas en science, nous cherchions autre chose quand nous avons mis le doigt sur cette technique », sourit Aaron Bensimon, cofondateur de Genomic Vision. La découverte des deux jeunes chercheurs, qui consiste à linéariser la longue molécule en double-hélice d’ADN, montre rapidement son intérêt : identifier certaines anomalies génétiques. « C’était la grande époque de la PCR, rappelle Aaron Bensimon. La technique permettait de mettre en évidence des mutations ponctuelles, de quelques bases, dans la séquence d’un gène. Notre technique a elle permis d’étudier les maladies qui sont liées à un problème de nombre de copies d’un gène. » Les premières publications concerneront la dystrophie facio-scapulo-humérale (FSHD), une forme de myopathie héréditaire. Le peignage moléculaire est depuis aussi utilisé en onco-génétique, notamment dans les cancers du sein.

Prédire l'évolution des lésions

L’étude IDAHO lancée récemment, en partenariat avec le CHU de Reims notamment, vise à établir l’intérêt du peignage moléculaire dans le diagnostic du cancer du col de l’utérus. « La quasi-totalité des femmes qui présentent un cancer du col sont infectées par le HPV, mais parmi les infections HPV, 90 % sont transitoires. Nous souhaitons donc mieux cibler les femmes HPV positives susceptibles de développer des lésions cancéreuses », détaille Aaron Bensimon.

Les recherches ont montré que les infections à HPV sont de mauvais pronostic quand le virus parvient à intégrer son ADN dans l’ADN des cellules-hôtes. Une intégration que le peignage moléculaire serait capable de repérer. L’essai IDAHO vise donc à suivre des femmes infectées par le HPV afin de valider la pertinence de la méthode. « Nous avons prévu de recruter 1555 femmes dont le frottis cervical présente des anomalies, et à qui une colposcopie a été prescrite », explique à Pourquoidocteur le Dr Véronique Dalstein, biologiste au CHU de Reims. C’est elle qui sera en charge de réaliser le peignage moléculaire sur l'ADN des patientes, extraits à partir des échantillons prélevés.

« L’objectif est clair : établir grâce au suivi des patientes sur au moins 3 ans, si notre test permet de prédire quelles lésions évolueront vers un stade cancéreux. » Si le test s’avère suffisamment prédictif il pourrait permettre de diminuer de moitié le nombre de colposcopies. « Dans le monde, environ 1,3 millions de ces examens sont réalisés, souligne Aaron Bensimon, l’enjeu est donc de taille, tant pour les patientes que pour les systèmes de santé ».

9 centres impliqués

Sept hôpitaux français participent à cet essai clinique, et viennent d’être rejoints par deux centres tchèques qui devraient inclure près d’un millier de patientes. « Toute avancée dans le diagnostic [du cancer du col de l’utérus] est très importante dans la mesure où cela peut influencer le programme de traitement pour chaque patiente (…). Si les résultats positifs se confirment, les médecins disposeront d’un nouvel outil qui leur permettra d’évaluer avec plus de précision la sévérité de l’infection par HPV pouvant conduire au développement du cancer du col de l’utérus », a expliqué dans un communiqué le Dr Dvorak, médecin-chef du Centre de gynécologie ambulatoire de Brno.

Chaque année un peu moins de 3000 nouveaux cas de cancers du col de l’utérus sont diagnostiqués en France. Le traitement du cancer du col de l’utérus fait appel, selon l’étendue de la maladie, à la chirurgie, la radiothérapie externe, la curiethérapie et la chimiothérapie , utilisées seules ou associées, précise l’Institut national du cancer (INCa).

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