Députée de la Gironde, Michèle Delaunay n'a pas que l'industrie du tabac comme adversaire. Dans un communiqué publié ce lundi, la présidente de l'Alliance contre le tabac a décidé d'alerter la ministre de la Santé sur la nouvelle mode des industriels du médicament.
Elle s'inquiète que depuis plusieurs mois, des produits aromatisés pour enfants, mais aussi pour adultes, accessibles sans ordonnance, se vendent et se développent rapidement. Alertée à la fois par des médecins, des pharmaciens et des familles, elle cite l'exemple de saveurs "fraise-tagada" dans du Smecta (Ipsen), "capuccino" dans de l'Efferalgan (UPSA) ou encore "framboise" dans du Fervex (UPSA). Contactée par Pourquoidocteur, cette cancérologue explique pourquoi ce phénomène l'inquiète.
Quels sont les risques de ce marketing ?
Michèle Delaunay : Dans la pratique quotidienne, ce goût attrayant risque, pour les plus jeunes, d’entraîner une surconsommation qui peut être dangereuse. En premier lieu par toxicité hépatique avec une non métabolisation des médicaments associés dès des doses faibles, mais aussi par toxicité hépatique pouvant aller jusqu’à une hépatite aiguë gravissime.
Mes inquiétudes se focalisent principalement sur le paracétamol très dangereux lorsqu'il est consommé en dose excessive (au-delà de 4 grammes). Quand il est aromatisé, les parents doivent donc le cacher aux enfants pour éviter toute gourmandise à risques.
Faut-il envisager d'interdire ces médicaments aromatisés ?
Michèle Delaunay : Non, car il peut être pertinent de donner une saveur agréable pour les enfants en bas âge afin de parvenir à les traiter. Mais il n’est en revanche pas souhaitable que des médicaments pour enfants et adultes, deviennent un produit de consommation marketing avec un choix de goûts et de saveurs innovants et « à la carte ». Un médicament est un médicament, ce n'est pas une friandise !
Comment peut-on agir contre cette dérive ?
Michèle Delaunay : Les industriels du médicament doivent cesser ce marketing "déplacé" qui a pour seul objet de séduire des consommateurs en dehors du seul effet thérapeutique. Ces pratiques doivent être à l’avenir plus encadrées et réglementées. Je pense qu'il n'est, par exemple, pas normal de voir des grandes publicités pour ces produits dans le métro parisien. Enfin, les emballages "attractifs" doivent demeurer dans des limites de grande sobriété et le strict respect de la dose doit être rappelé en même temps que la mention de l’aromatisation. Cela sur la boîte et pas que dans la notice.
Où commence votre plan de bataille ?
Michèle Delaunay : J'ai fait un courrier à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, pour attirer son attention sur les risques de ces médicaments aromatisés. Et je me saisirai de cette question dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 dont je serai la Rapporteure à la rentrée. Je pourrais faire des amendements d'appel afin de demander notamment une revue des accidents toxiques qui ont été enregistrés à cause de ces produits.