On pourrait croire que les saveurs de base, comme le sucré ou le salé, ont le même goût pour tout le monde. Et bien pas du tout. C’est ce que révèlent les recherches sur nos récepteurs gustatifs, situés au niveau de la langue. Ces récepteurs sont variables d’un individu à l’autre, et conduisent à des perceptions différentes.
Ecoutez Annick Faurion, chercheuse à l’Inserm et spécialiste de la gustation: "Nos récepteurs portent des variants différents d'un inidividu à l'autre."
Ainsi, même un récepteur qui réagit avec les composés amers peut déclencher un goût…sucré ! Ces recherches intéressent particulièrement les industriels de l’agroalimentaire. Ils trouvent là des explications scientifiques à des notions qui leur paraissaient subjectives. Par exemple, lorsqu’ils font goûter des biscuits à la noisette, certains en perçoivent très bien le goût, alors que d’autres ne le ressentent pas du tout. La faute à nos récepteurs !
C'est tout l’intérêt de mettre sur le marché, non pas un produit unique, mais une déclinaison du même produit. Pour les édulcorants de synthèse par exemple, au lieu de mettre un seul composant, les industriels ont mélangé plusieurs édulcorants afin de minimiser les différences de perception entre individus.
Et ils vont plus loin. Ils cherchent à développer des molécules sans goût, qui augmentent la perception sucrée des aliments. Pour cela, ils cultivent en laboratoire des cellules humaines contenant des récepteurs au sucre. Et ils introduisent dans ces cellules un gène codant une protéine, qui se lie au récepteur lorsqu'il est actvé par du sucre ou des édulcorants. Cette liaison entraîne une libération de calcium, qui peut être mesurée. Cela permet aux chercheurs de tester de nombreuses molécules et d'identifier celles qui activent les récepteurs au sucre. Toutes ces recherches pourraient également avoir un intérêt en santé. Grâce à une goutte de sang, on pourrait lire le polymorphisme des récepteurs d’un patient. Et parmi un choix de plusieurs médicaments, on lui prescrirait celui qui lui conviendrait le mieux en terme de goût. Une solution peut-être aux problèmes d’observance.
Le goût, comment ça marche
Goûter un aliment, c’est le reconnaître par les cinq sens. Au premier coup d’œil, nous avons envie ou non, de le porter à notre bouche. Puis le premier contact est tactile, nous allons ressentir la texture et la température de l’aliment. Nous entendrons ensuite le craquement d’un biscuit, la mastication. Des molécules odorantes vont se libérer et stimuler les récepteurs olfactifs. L’odorat serait responsable de 90% de notre sensation gustative.
Enfin, la langue est couverte de papilles, qui renferment des bourgeons gustatifs. Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas sur la langue des zones spécifiques percevant chacune des saveurs. Les bourgeons reconnaissent tous les goûts ! IIs renferment des récepteurs spécialisés, qui eux transmettent les informations gustatives au système nerveux, grâce à trois nerfs différents (facial, glosso-pharyngien et pneumogastrique). Aux quatre saveurs de base, sucré, salé, amer, acide, est venu s’ajouter le goût umami, que l’on pourrait traduire par savoureux. Il a été identifié pour la première fois par un japonais pour décrire le goût des glutamates. Il ressemble au goût des bouillons de viande et cette saveur est reconnue spécifiquement par nos récepteurs gustatifs.
Quand le goût fait défaut
Perdre le goût, c’est perdre une grande part de plaisir. A tel point, que c’est devenu une expression : j’ai perdu le goût à la vie. Sans goût, plus rien n’a de saveur… La perte du goût peut être totale, on parle d’agueusie, ou partielle (hypogueusie). Si la perception est altérée, il s’agit de dysgueusie.
Les troubles du goût peuvent avoir de nombreuses causes. Ils peuvent être dus à des lésions de la langue ou à une atteinte des nerfs impliqués dans la gustation. Les médicaments sont souvent à l’origine d’une altération du goût. Radiothérapie et chimiothérapie sont fréquemment en cause. Citons également une mauvaise hygiène dentaire, le tabagisme ou encore les infections virales ORL. Et tout ce qui fait perdre l’odorat a des conséquences sur le goût. Afin de dépister certains troubles du goût, un examen étonnant peut être pratiqué : il s’agit de l’électrogustométrie. Il consiste à faire passer un faible courant électrique sur la langue afin de déclencher une sensation gustative, pour reconnaître les parties spécifiques de la langue impliquée dans les déficits.