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Rapport Sicard

Fin de vie: comment redonner la parole aux malades

Par Mathias Germain avec Afsané Sabouhi

Acharnement thérapeutique, inégalité d'accès aux soins palliatifs, le rapport Sicard dénonce le manque d'écoute des professionnels de santé. La commission propose de formaliser les instructions des malades. 

HAMILTON-POOL/SIPA
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« Les Français ont l’impression que rien n’a changé, qu’il y a toujours l’acharnement thérapeutique et que la seule chose inscrite dans la loi est l’interdiction de l’euthanasie », constate amèrement le Pr Didier Sicard après plusieurs mois de réflexions et de concertations avec la population. Des débats organisés à Lille, Nantes, Clermont-Ferrand, Besançon, Grenoble… la mission a retenu « le malaise, voire la colère » et surtout « la hantise des citoyens de basculer dans une situation de fin de vie insupportable, de souffrir ou de voir souffrir leurs proches ».

Ecouter le Pr Didier Sicard, auteur du rapport. « Au fond ce qu’on le veut, c’est pouvoir dire à la fin de sa vie, je veux que ça cesse. Et cela doit être mis dans la loi comme une possibilité. »
 

La commission Sicard dénonce une inégalité des Français face à la prise en charge de la fin de vie, notamment dans l'accès aux soins palliatifs. Elle reproche aux médecins de  privilégier la performance technique, et surtout de ne pas entendre que les malades puissent vouloir cesser de vivre. « Actuellement, c’est le médecin qui décide. C’est un pile ou face, je prie pour que ce soit un médecin qui m’écoute », lit-on dans le rapport suite aux débats menés à Grenoble.
La commission pointe aussi du doigt les hôpitaux. Considérant la mort comme un échec, les établissements l'ont abandonnée aux soins palliatifs. Une séparation qui empêche la diffusion de la culture de la prise en charge de la douleur. En cause, aussi, les soins palliatifs eux-mêmes qui ne pourront « jamais résoudre la totalité des situations, même si ces structures devaient être en nombre plus important ». « Nous faisons le même constat que les patients et effectivement il y a dans nos établissements de l’acharnement thérapeutique, de l’obstination déraisonnable, et une méconnaissance de la loi Léonetti », reconnaît le Dr Vincent Morel, le président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).

Ecouter le Dr Vincent Morel, président de la SFAP. « Certains étudiants n’ont que 10 heures en 10 ans de formation en soins palliatifs... C’est largement insuffisant pour rendre les médecins compétents à accompagner les personnes en fin de vie et assurer à ces patients qu’ils ne souffriront pas. »
 

Pour répondre au malaise de la société face à la mort, à la fin de vie, la commission souhaite un effort important de pédagogie et d’information sur la loi Léonetti, une formation approfondie de tous les professionnels de santé aux soins palliatifs. Elle demande ainsi aux facultés de médecine de « repenser en profondeur l’enseignement des études médicales afin que les attitudes curatives ne confisquent pas la totalité de l’enseignement »…
Mais la commission recommande avant tout aux institutions et aux soignants de donner la plus grande importance aux paroles et aux souhaits des malades en fin de vie, « de faire en sorte qu’elles soient entendues dans leur situation d’extrême vulnérabilité. »

Pour que cette parole soit prise en compte, elle suggère au gouvernement de réaliser régulièrement des campagnes d’information auprès de la population sur l’importance des directives anticipées, ces instructions écrites que donne par avance une personne majeure consciente, pour le cas où elle serait dans l’incapacité d’exprimer sa volonté. « Un premier document pourrait être proposé par le médecin traitant à tout adulte qui le souhaite, sans aucune obligation, quel que soit son état de santé, et même s’il est en bonne santé, et régulièrement actualisé ».

La commission recommande que le ministère de la Santé formalise dès 2013 un modèle de doucment s’inspirant des exemples suisse, allemand et américain. Et en cas de maladie grave diagnostiquée, ou en cas d’intervention chirurgicale pouvant comporter un risque majeur, « un autre document de volontés concernant spécifiquement les traitements de fin de vie, devrait être proposé en sus du premier, notamment dans le cadre d’un dialogue avec l’équipe médicale et soignante. »