Depuis plus d’un an, tensions et récriminations s’accumulent autour du dossier Dépakine. Cet anticonvulsivant, destiné aux personnes épileptiques ou bipolaires, ne doit pas être prescrit aux femmes enceintes. Il provoque des malformations physiques et des troubles neurocomportementaux chez le bébé exposé in utero. Mais les prescriptions se poursuivent malgré les risques, désormais avérés. Ce 24 août, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) remet son rapport réalisé avec l’Assurance maladie. Le document devrait jeter un nouvel éclairage sur la situation.
A cette occasion, le directeur général de la Santé, Benoît Vallet, rencontre les associations de victimes. Entre dépôts de plaintes et mea culpa, les familles appellent à établir les responsabilités. Au rang des accusés : les autorités sanitaires qui auraient tardivement reconnu les effets tératogènes du valproate de sodium ; le laboratoire qui aurait signalé avec retard les risques pour le fœtus ; les prescripteurs qui ont pu établir les prescriptions sans toujours informer les patientes. Retour sur un dossier épineux en 5 dates clés.
28 mai 2015 : la première plainte. En ce milieu d’année 2015, une famille monte au créneau. Elle dépose plainte contre le laboratoire Sanofi, qui produit la Dépakine. Au total, c’est une trentaine de foyers qui est défendue par Me Charles Joseph-Oudin. Il dénonce la poursuite des prescriptions jusqu’en 2010 malgré ses effets connus dès 1980. Les révélations à venir seront bien plus inquiétantes.
13 octobre 2015 : l’enquête du parquet de Paris. Après les plaintes, l’enquête. Le parquet de Paris lance une enquête préliminaire. Elle vise à établir les responsabilités entre les différents laboratoires qui produisent la Dépakine et ses génériques (Sanofi, Zentiva, Biogaran, Aguettant, Teva, Sandoz, Arrow, Mylan, EG Labo) et les autorités sanitaires. Les prescripteurs ne sont alors pas mis en cause.
23 février 2016 : le retard des autorités. L’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) élargit le spectre des responsables avec un rapport corrosif. Il fait état de 450 enfants victimes de la Dépakine en région Rhône-Alpes entre 2006 et 2014. 93 000 patients ont reçu l’anticonvulsivant. Les rapporteurs pointent le retard des autorités sanitaires à admettre les effets tératogènes du médicament et à communiquer à ce sujet. Le « manque de réactivité » est flagrant : avant 2010, seule une invitation à consulter le médecin en cas de grossesse est inscrite sur la notice. Mais l’Igas n’oublie pas les prescripteurs, qui informent mal ou peu les patientes.
7 mars 2016 : l’indemnisation possible des victimes. Le rapport de l’Igas a visiblement poussé le ministère de la Santé à accélérer la cadence. Marisol Touraine rencontre les familles et fait plusieurs annonces. En premier lieu : l’indemnisation possible des familles après une mission d’expertise juridique. Un nouveau pictogramme, plus clair et plus visible, sera aussi affiché. Afin d’épauler les prescripteurs, une information sera affichée sur les dispositifs d’aide à la prescription et des lettres d’information seront diffusées.
11 août 2016 : 10 00 femmes seraient concernées. Dans les colonnes du Canard Enchaîné, une première estimation du scandale Dépakine est livrée. D’après le rapport (remis ce 24 août) 10 000 femmes enceintes auraient reçu de la Dépakine entre 2007 et 2014. L’étude devrait être suivie d’un plan d’action remis début septembre.