Lucy n’aura jamais aussi mal porté son nom. L’australopithèque, qui tire son nom d’un tube des Beatles (Lucy in the sky with diamonds), a lourdement chuté du haut d’un arbre. C’est en heurtant le sol que notre ancêtre a perdu la vie. Après quatre décennies de doute sur le sujet, une équipe américaine tranche en faveur de cette hypothèse dans la revue Nature. John Kappelman et ses collègues résolvent au passage l’un des éléments les plus débattus : le premier hominien évoluait bien dans les arbres.
Le fossile de Lucy, découvert en 1974 dans la région d’Afar en Ethiopie, recèle encore de nombreux secrets. L’équipe de Texans a aidé à en élucider au moins un. Lors d’un passage aux Etats-Unis, le squelette a été photographié sous tous ses angles à l’aide d’un scanner à hautes performances. Un intérêt justifié : « C’est un des squelettes le plus complets; à ce titre, elle nous a fourni beaucoup d’éléments sur les premiers hommes », rappelle John Kappelman.
« Les pieds en premier »
Les clichés ont révélé des éléments sur la vie de Lucy… mais aussi sur sa mort pour le moins brutale. Comme pour tous les fossiles, trois millions d’années d’exposition aux éléments ont laissé des traces. Mais certaines sont évocatrices de blessures survenues du vivant de l’australopithèque la plus célèbre du monde.
Une a particulièrement attiré l’attention des chercheurs, au niveau de l’humérus. Elle porte des signes de compression mais les fragments sont restés attachés au corps. « Cela suggère que l’enveloppe de l’os et la capsule articulaire étaient intactes au moment de la blessure », analyse John Kappelman. L’absence de cicatrisation corrobore cette hypothèse.
Lucy serait donc tombée d’une hauteur de 12 mètres, à une vitesse d’environ 60 km/heure. L’emplacement des fractures semble le confirmer : pied, hanche, côtes, épaules et mandibule sont blessés. « Elle a probablement atterri les pieds en premier. Les blessures que nous observons aux genoux suggèrent que son corps a vrillé sur la droite », raconte John Kappelman.
Source : KAPPELMAN NATURE
Bipède et arboricole
Consciente au moment de sa chute, Lucy a tout fait pour amortir le choc avec ses bras. Mais à 60 km/heures, difficile d’atténuer l’impact sur les organes internes. « La mort a suivi très rapidement », résume John Kappelman. Le co-directeur de la mission qui a découvert l’australopithèque, Yves Coppens, n’y trouve rien à redire.
Lucy était donc bipède et arboricole : ces travaux le confirment alors que l’hypothèse était débattue depuis sa découverte. Comme les singes actuels, elle se serait abritée dans les arbres la nuit, pour échapper aux prédateurs. Mais le fait même d’être devenue bipède semble avoir handicapé notre ancêtre et ses congénères. Moins habile dans les arbres, du fait même de cette évolution, elle aurait été plus sujette aux chutes.