Les associations de patients s’emparent du dossier Dépakine. Le rapport remis par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a remis de l’huile sur un feu déjà bien alimenté. Il fait état de plus de 14 000 grossesses exposées entre 2007 et 2014 à cet anticonvulsivant aux effets tératogènes.
Depuis sa publication, les annonces se sont multipliées. C’est au tour du Ciss (Collectif interassociatif sur la santé) et d’autres associations d’avancer les leurs.
L’exemple Médiator
Dès la parution du rapport de l’ANSM, Marisol Touraine a confirmé une série de mesures destinées aux enfants exposés in utero au valproate de sodium. Parmi elles, la création d’un registre national des malformations congénitales, afin de repérer les victimes de la Dépakine. Une fois signalés, ces jeunes patients pourront prétendre à une indemnisation dont les formalités sont encore à définir. Le fonds en question sera voté dans le cadre des prochaines lois de finances, fin 2016.
Si le Ciss et les autres associations signataires du communiqué se réjouissent de cette annonce, ils restent prudents. « Pour les nombreuses victimes du Mediator, l’indemnisation n’a pas été à la hauteur de leurs préjudices », rappellent-ils. Entre les démarches qui traînent et des sommes variables, la patience des victimes a régulièrement été mise à l’épreuve. Si la responsabilité du laboratoire Servier a été confirmée, seul un tiers des dossiers ont reçu une réponse positive à ce jour.
Pour les associations de patients, le dispositif actuel est donc largement perfectible. « Les règles actuelles de la responsabilité conduisent le plus souvent dans une impasse », estiment-elles. De fait, le rôle de Sanofi dans l’affaire Dépakine n’a pas encore été établi. Dans ces conditions, difficile de définir l’identité des contributeurs au fonds d’indemnisation.
Une taxe permanente
Conscient de ces obstacles, le député Gérard Bapt (PS) a proposé une solution qui vise à concilier les différentes parties. Elle consiste à taxer, à hauteur de 0,1 % ou 0,2 %, les produits de santé et donc pas uniquement les médicaments. Mais pour le Ciss et les autres signataires, c’est le signe d’une gestion de crise « au gré des scandales sanitaires ».
Les représentants des patients plaident en faveur d’un fonds similaire mais permanent, et surtout ouvert. Il permettrait de replacer sur la table d’autres affaires moins « médiatiques » mais tout aussi graves.
Ils citent en exemple le Distilbène, œstrogène de synthèse prescrit à 200 000 femmes dans les années 1950 comme remède miracle contre les fausses couches. Mais les filles et femmes exposées in utero à ce produit sont deux fois plus à risque de cancer du sein. Seule une victime a obtenu réparation.
Les associations soutiennent toutefois l’idée d’une taxe sur les médicaments. Elle garantirait, selon elles, « une indemnisation rapide » et inciterait les laboratoires à plus de transparence sur leurs produits, tout en épargnant les comptes de l’Assurance maladie. La participation de l’industrie pharmaceutique à ce fonds aurait, selon elles, des effets vertueux.
Mais comme à l’heure actuelle, l’Oniam (Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux) serait chargé de la gestion de ce fonds. « Il manque une seule chose pour qu’un tel fonds existe : une volonté politique », conclut le communiqué. L’appel du pied au ministère de la Santé est manifeste. Reste à savoir s’il sera entendu.