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Pr Jean-Louis Touraine

Loi sur le don d’organes : le nombre de greffes va augmenter

Par Marion Guérin

ENTRETIEN - A l’origine d’un amendement polémique sur le don d’organes, le député et transplanteur Jean-Louis Touraine se félicite du décret récemment paru.

Xie Zhengyi/EPN/NEWSCOM/SIPA

Il y a un an, le député Jean-Louis Touraine déposait un amendement à la loi santé sur le don d’organes afin de limiter les pénuries. Le texte, décrié par les médecins et par une partie de l’opinion publique, prévoyait de ne plus consulter les familles d’une personne défunte avant de lui prélever ses organes – sauf si elle figure sur le Registre National des Refus.

Au terme d’un long débat engageant l’Agence de Biomédecine, le Conseil National de l’Ordre des Médecins, la Direction Générale de la Santé ainsi que des associations et des hommes politiques, le décret d’application de la loi est tombé le 25 août. Il fixe le cadre dans lequel les médecins peuvent procéder au prélèvement et les conditions dans lesquelles les familles doivent être associées à cette intervention.

Dans le nouveau texte, il n’est plus question de ne pas consulter les proches. Avant de procéder au prélèvement et en l’absence d’indications du défunt (registre national, témoignage écrit…), les médecins demanderont à la famille de rapporter la volonté du patient exprimée de son vivant. Si la personne décédée ne souhaitait pas donner ses organes, alors les proches devront l’indiquer dans un témoignage écrit, daté et signé. Le choix du défunt ainsi retranscrit sera respecté par l’équipe médicale. Dans ces circonstances, on peut penser que la législation n’a pas vraiment changé la donne. Une interprétation que conteste vigoureusement Jean-Louis Touraine.

 

Finalement, loi n’a pas vraiment évolué...

Jean-Louis Touraine :  Au contraire. Le décret renforce la position qui consiste à dire que ce n’est pas à la famille de choisir pour la personne décédée. Les textes antérieurs étaient ambigus. Les médecins cherchaient par tous les moyens d’obtenir le témoignage du défunt en interrogeant sa famille mais souvent, aucune directive n’avait été laissée – on n’aime pas parler de la mort en France.
Du coup, la famille exprimait plutôt sa propre position que celle du défunt, avec des taux de refus considérables – 42 % en moyenne, et jusqu’à 50 % en Ile-de-France, alors que plus de neuf Français sur dix se disent favorables au don d’organes !

Avec le témoignage écrit, daté et signé, qui précise les circonstances dans lesquelles le défunt a exprimé sa volonté, on restreint considérablement la probabilité d’interprétation fallacieuse. Le texte renforce le droit des personnes à disposer de leurs organes et empêche que l’on se substitue à leur volonté.


Mais une famille pourra toujours s’opposer au prélèvement…

Jean-Louis Touraine : En effet, des proches pourront toujours mentir, rédiger un faux témoignage. Mais avouez qu’il s’agit là d’un extraordinaire manque de respect du défunt, et que les cas devraient être très marginaux – même si on ne peut les exclure. En retranscrivant l’expression d’un refus, les familles prennent une grande responsabilité. J’ai eu plusieurs fois des situations où les proches se sont opposés au prélèvement ; quelques semaines plus tard, ils ont retrouvé la carte de donneur du défunt. Avec un document écrit et signé, il y a fort à parier que les faux témoignages seront limités.

Je suis satisfait à 200 % de ce texte, que bien des pays nous envient, car il est très favorable aux transplantations. Les taux de refus devraient réellement chuter. D’ailleurs, le nombre de greffes a augmenté depuis l’année dernière ; les débats ont mobilisé les gens.

Pourquoi avoir déposé un amendement qui allait bien plus loin ?

Jean-Louis Touraine : L’idée de cet amendement était de faire du Registre National des Refus le seul moyen d’exprimer son refus. Il s’agissait d’un texte court qui aurait pu s’appliquer en l’état si tous les Français étaient effectivement inscrits sur ces listes, ce qui est loin d’être le cas. On a donc modifié le texte, de telle sorte que le Registre demeure le moyen principal, mais en ouvrant la voie à d’autres sources.

La loi Caillavet de 1976 a posé le principe du consentement présumé. « Qui ne dit mot consent », précisent les textes, mais encore faut-il être informé pour que ce consentement tacite soit juste. Or, presque aucune information n’a été délivrée à la communauté après cette loi. 

Grâce aux débats générés à la suite du dépôt de l’amendement, il y a eu une vraie communication relayée par l’Agence de Biomédecine. Le nombre d’inscrits sur le Registre a augmenté depuis ces discussions, ce qui est logique puisque selon les données, un Français sur dix est opposé au prélèvement. Il faut aussi garantir le droit de ces 10 % de personnes qui refusent de donner leurs organes.