C’est une décision prise de manière discrète mais qui fait déjà grand bruit. Hier en conseil des Ministres, Marisol Touraine a présenté un texte d’ordonnance qui ouvre la voie à la vente en ligne des médicaments. « Cette modalité de dispensation de médicaments est réservée aux pharmaciens ayant obtenu une licence pour créer une officine de pharmacie physique. Elle relève de l’entière responsabilité du pharmacien, est limitée aux seuls médicaments en libre accès et est soumise aux règles de déontologie applicables à l’officine », indique le texte. Cette ordonnance, est-il précisé, a pour but de « consolider la lutte contre les médicaments falsifiés. »
« Une décision brutale », estime l’Ordre des pharmaciens qui y voit plus de risques que d’avancées. Et la présidente de l’Ordre d’énumérer les dangers de la vente en ligne : confidentialité menacée, falsification, non respect des règles. Mais surtout l’institution y voit un encouragement à la création de sites à finalité commerciale et à la surconsommation médicamenteuse.
A l’heure ou les pouvoirs publics multiplient les messages sur le bon usage du médicament et met en garde le public contre le mésusage, cette décision paraît surprenante. D’autant que la demande dans le pays n’est pas significative. Selon un récent sondage, 1 Français sur cinq se déclare prêt à acheter un médicament sur un site.
Paradoxalement, c’est pour sécuriser la délivrance des produits par les pharmaciens que le ministre de la Santé a « prescrit » cette ordonnance. La législation français était floue en la matière. De plus, le marché parallèle a explosé ces dernières années. Les faux médicaments représentent 25% des marchandises de contrefacçon bloquées aux frontières de l'Union européenne. Avec 27 millions de boîtes interceptées, le médicament est le produit le plus appréhendé aux frontières. En France, 427 000 médicaments de contrebande ont été saisis dans le cadre d’une récente opération des douanes.
D’ailleurs, tous les pharmaciens ne sont pas opposés à une ouverture contrôlée du marché. Certains ont même pris les devants. Comme Philippe Lallier qui a ouvert le 14 novembre dernier une pharmacie en Caen. Il nous donnait alors ses motivations.
pourquoidocteur : Avez-vous ouvert ce site avec un objectif commercial ?
Philippe Lailler . On n’est pas parti dans cet objectif là à l’origine. Il est évident que si jamais çette activité fonctionne, on espère dégager une activité et embaucher une personne. Le site est ouvert depuis pratiquement un an et on ne vendait que de la parapharmacie. IL y a 6 mois, je me suis dit pourquoi ne pas vendre certains médicaments.
Avec la vente en ligne, comment sont prodigués les conseils du pharmacien ?
Ph.L Dès la page d’accueil, vous n’êtes pas obligé d’aller sur un médicament. Vous pouvez rentrer en contact soit par téléphone, soit par mail avec un pharmacien, lui poser vos questions ou encore lui demander un conseil. Quand vous allez sur un médicament, à tout moment, vous avez des rubriques pour vous mettre en garde, vous rappeler que c’est un médicament, faire attention aux contre-indications, vous conseiller de consulter un médecin en cas de problèmes. Vous êtes obligés d’aller sur la notice d’utilisation. Ensuite, quand vous validez, il faut attester avoir lu cette notice. Vous pouvez à tout moment redemander des conseils. Et la commande est suspendue le temps que l’on vous réponde. C’est fait dans journée. Votre commande est contrôlée par un pharmacien., Dans 90% des cas, il n’y a pas de problème. Dans les 10% des cas, on rappelle la personne parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas ou alors, on décide d’annuler cette commande parce qu’elle est incohérente ou parce qu’il y a des contre-indications. A ce moment-là, on ne valide pas cette commande.
Qui vous passe des commandes ?
Ph.L. Les gens qui achètent par internet, le font pour des compléments ; c’est une activité complémentaire et non une activité essentielle. Ce sont surtout des gens qui travaillent beaucoup et qui n’ont pas beaucoup de temps et qui veulent en avoir pour faire leur choix tranquillement de chez eux. On pourrait croire que ce sont des gens plutôt jeunes qui commencent sur internet. Ce n’est pas vrai, vus avez tous les âges. Souvent, il y a des produits pour tous les membres de la famille, pour les enfants, pour le mari et pour la femme. Mais on n ne va jamais faire disparaître les officines du paysage français.
Les Français pourront-ils faire le tri entre des pharmacies et des sociétés peu scrupuleuses ?
Ph.L. Ce qui est très triste, c’est qu’il y a énormément de Français qui achètent des médicaments sur des sites à l’étranger. Et là, vous ne savez pas où vous tombez. il y a le pire comme le meilleur. Je trouve ça dangereux pour les Français. Il est préférable que ce soit les officines françaises qui distribuent les médicaments par internet en France. C’est ça l’objet de la discussion aujourd’hui. Il faut se mettre autour d’une table et je suis prêt à coopérer pour imaginer et construire le circuit de distribution sur internet. Ce que j’ai fait sur mon site, je l’ai fait comme je l’ai vécu.