Les pulsions addictives trouvent leur origine dans nos cellules, suggère une étude suédoise publiée cette semaine dans la revue Molecular Psychiatry. Les chercheurs de l’université de Linköping ont en effet découvert qu’un déficit en enzyme appelée PRDM2 produite par les neurones du lobe frontal mène à une consommation d’alcool, et ce malgré les conséquences néfastes.
Les scientifiques supposent depuis longtemps que les personnes alcooliques ont des fonctions cérébrales défaillantes au niveau de cette région du cerveau, chargée de la prise de décision, de la personnalité et du jugement.
Lorsque le cortex frontal est altéré, le contrôle des pulsions devient très difficile. Mais jusqu’ici, les mécanismes biologiques sous-jacents étaient inconnus. « L’enzyme PRDM2 a d’abord été étudiée en cancérologie, nous ne savions pas qu’elle pouvait avoir un rôle dans le cerveau, explique le Pr Markus Heilig, professeur de psychiatrie et directeur du Centre de neurosciences affectives et sociales à l’université de Linköping.
Besoin irrésistible inassouvi
L’équipe de chercheurs suédois a découvert le rôle de cette enzyme en étudiant des rats alcooliques en laboratoire. En examinant le cerveau des cobayes, ils se sont aperçus qu’une production faible de PRDM2 conduit à la dépendance à l’alcool car le lobe frontal n’était plus sollicité. L’exposition au stress induisait également une rechute vers ce comportement toxique.
« PRDM2 contrôle l’expression de différents gènes nécessaires à la communication entre les neurones. Lorsque l’enzyme est synthétisée en faible quantité, les neurones n’envoient plus l’information pour maîtriser la pulsion », explique le chercheur.
Une hypothèse confirmée par une seconde expérience : des rats non-dépendants à l’alcool le sont devenus lorsque les chercheurs ont inactivé la production de l’enzyme dans le lobe frontal.
« Avec une seule manipulation moléculaire, nous avons vu l’émergence d’une caractéristique importante d’une addiction. Nous commençons à comprendre ce qui se passe, nous espérons maintenant pouvoir intervenir, explique le Pr Heilig. Sur le long terme, nous aimerions développer des médicaments efficaces, mais sur le court terme, le plus important est sûrement de mettre fin à la stigmatisation de l’alcoolisme. »