Les kilos en trop coûtent cher à la France. Très cher. En 2012, surpoids et obésité ont occasionné un surcoût de 20,4 milliards d’euros pour l’Etat. Un ministère s’empare donc du dossier, et il n’est pas chargé de la Santé. La direction générale du Trésor, rattachée au ministère de l’Economie, vient de publier une note conséquente sur le sujet. Elle passe en revue les conséquences sanitaires de cette pathologie et ses répercussions sur les finances de l’Etat. Le constat posé, plusieurs pistes d’amélioration sont proposées. Pourquoidocteur décrypte les principaux éléments de ce document.
30 % d’affections de longue durée
15 % de la population française adulte souffre d’obésité et 32 % de surpoids. S’y ajoute une part non négligeable, mais surtout croissante, des enfants et des adolescents pour qui les perspectives sont mauvaises. Selon l’Insee, à l’horizon 2030, 2 Français sur 10 seront obèses. L’avenir s’annonce donc bien sombre pour les comptes de l’Assurance maladie, car ces personnes ne souffrent pas seulement de leur excès de poids.
D’autres pathologies émergent, du fait même de l’accumulation de graisse dans différents organes : hypertension, diabète, douleurs articulaires... Un tiers de cette population souffre d’une affection longue durée (ALD). C’est deux fois plus que le reste du pays. Et cette estimation ne tient pas compte des répercussions psychologiques et sociales du surpoids.
Ces maladies associées ont un impact majeur sur la survie des personnes en excès de poids : un surpoids réduit de 1,5 an l’espérance de vie. Un effet délétère qui s’étend jusqu’à 8 ans pour les obésités morbides.
Des mesures aux effets limités
L’Assurance maladie paie elle aussi le prix fort. Car les patients obèses représentent 22 % des dépenses de santé. Ce chiffre ne concerne que les soins en ville. Ainsi, en 2012, l’Etat a supporté un coût de 20,4 milliards d’euros lié au surpoids. 12,6 milliards pèsent sur l’Assurance maladie. « Les dépenses liées à l’obésité que nous avons estimées sont comparables à celles de l’alcool et du tabac », souligne la note.
Face à ces coûts, la France a tenté d’agir avec diverses mesures sur l’alimentation. Les taxes sur les boissons sucrées et édulcorées ont rapporté 400 millions d’euros à l’Assurance maladie en 2012. Leur équivalent sur les boissons énergisantes s’est montré moins efficace : elle n’a rapporté que 3 millions d’euros en 2014. S’y ajoutent les retraites qui n’ont pas été versées en raison de la mortalité prématurée. Les recettes sont donc minimes et l’impact fortement limité. Daniel Caby, qui signe cette note, avance donc plusieurs solutions afin de remettre les comptes à l’équilibre, tout en luttant efficacement contre surpoids et obésité.
Jouer sur les taxes
« Une solution classique dans la théorie consiste à taxer les aliments trop gras, salés ou sucrés contribuant au développement de l’obésité », rappelle l’auteur de ce document. Le rôle de ces éléments dans l’épidémie actuelle justifie d’autant plus ce levier financier. Mais la pertinence de ces taxes peut être encore améliorée, par exemple, en les ciblant davantage. Daniel Caby propose de taxer les produits « au-delà d’un certain niveau de calories », suivant l’exemple mexicain. Encore faut-il que la taxe soit suffisamment dissuasive : si elle représente 20 % du prix, dans le cas des sodas, l’efficacité est avérée. En deçà, les effets ne sont pas significatifs.
Dans la même veine, jouer sur la TVA peut s’avérer intéressant. La France n’est cependant pas friande de ce levier : « Historiquement seul le taux de TVA sur les alcools semble être lié à des considérations de santé publique », relève Daniel Caby. Le Royaume-Uni, lui, a décidé d’inciter financièrement la consommation de produits sains par une hausse de la TVA sur les produits mauvais pour la santé. Le développement d’un score nutritionnel semble donc particulièrement adapté.
Impliquer les médecins
Les campagnes de prévention sont le support favori de l’Etat français en matière de prévention de l’obésité. Peu coûteuses, elles ont toutefois un impact limité. Les cibler davantage, en consentant plus de dépenses, se montrerait plus efficace. Des actions plus concrètes, comme l’interdiction de la publicité envers les plus jeunes, seraient encore plus suivies d’effet. Daniel Caby suggère de suivre l’exemple québecois, où la publicité ne doit pas s’adresser aux moins de 13 ans, et de renforcer l’étiquetage nutritionnel par un code couleur.
Mais le pivot de la prévention reste le médecin, et cette note le rappelle avec insistance. « Le recours aux médecins semble de loin la solution la plus efficace », y lit-on. L’auteur reconnaît tout de même le coût massif à court terme, en dépit des bénéfices à long terme, notamment sur les dépenses liées à l’hôpital.
L’intervention des professionnels de santé reste la clé pour un suivi « intensif » du patient. Les incitations sont à l’heure actuelle largement insuffisantes au vu du temps nécessaire pour ces consultations. Intégrer ce suivi dans la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) représente une solution acceptable, tout comme la coordination entre médecins via une infirmière.