En une décennie, le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) a permis de faire chuter de 90 % le nombre d’infections par ces virus cancérogènes, affirme une étude parue dans The Journal of Clinical Infectious Diseases. Un bilan plus que positif pour le Gardasil et le Cervarix , les premiers vaccins préventifs contre le cancer du col de l’utérus, qui soufflent leur dixième bougie.
Plus de 80 % de la population mondiale potentiellement infectée - Les HPV représentent plus d’une centaine de virus, dont une quinzaine sont responsables de cancers du col de l’utérus chez la femme, de cancer du pénis chez l’homme et dans les deux sexes de cancers de l’anus et oropharyngés. « L'infection HPV est l’infection virale la plus courante de l’appareil reproducteur. La plupart des hommes et des femmes ayant une activité sexuelle seront infectés à un moment de leur vie et certains risquent de l’être à plusieurs reprises », indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Pour les femmes la période la plus critique est le début de la vie sexuelle. Le HPV se transmet au cours des rapports sexuels même s’il n’y a pas pénétration. Le contact génital peau contre peau suffit pour transmettre ces virus.
Les plus redoutés sont le HPV-16 et 18 car ils provoquent 70 % des cancers invasifs et des lésions précancéreuses du col de l’utérus dans le monde. Avec 500 000 nouveaux cas chaque année dans le monde, le cancer du col de l'utérus est le 2ème cancer chez les femmes. Près de la moitié en meurent.
Dans les pays développés, le dépistage par frottis a permis de stabiliser le nombre de cancers diagnostiqués chaque année en repérant et en traitant les lésions précancéreuses. « Une femme qui participe au dépistage régulièrement diminue de 70 % son risque de cancer du col de l’utérus, souligne le Dr Hélène Borne, gynécologue à Paris. Malheureusement seulement 65 % des françaises se font dépister régulièrement… Or avec les vaccins anti-HPV actuels on diminue de 70 % le risque de cancer du col. Il est préférable d’éviter le développement d’une infection conduisant au cancer grâce au vaccin que de simplement dépister des maladies qui ont déjà débuté. Ainsi l’association de la vaccination avant les 1ers contacts sexuels et d’un dépistage régulier après 25 ans permettra une protection maximale. »
Un vaccin polémique - Le vaccin anti-HPV existe sous deux formes : le Gardasil qui protège contre les HPV de types 6, 11, 16 et 18, et le Cervarix qui protège contre les HPV de types 16 et 18. Autorisés dans 130 pays, ces vaccins ont été injectés à plus de 72 millions de personnes depuis leur commercialisation en 2007. Avec l’Australie, les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Allemagne, la France a été l’un des premiers pays à proposer le vaccin à partir de 2006.
Mais en 2013, une polémique éclate. Le Gardasil est accusé de provoquer des maladies auto-immunes, et une cinquantaine de plaintes sont déposées au pénal contre le laboratoire fabriquant le vaccin. Deux ans plus tard, une étude réalisée conjointement par l’Agence nationale du médicament (ANSM) et l’Assurance Maladie auprès de 2,2 millions de jeunes filles dans le monde montre que le vaccin anti-HPV n’est pas en cause. Le parquet de Paris classe alors les plaintes sans suite.
Les Français réticents - Reste que le discrédit était jeté. Les Français continuent de se méfier de ce vaccin pourtant largement utilisé chez nos voisins d’Europe du Nord par exemple. A peine 20 % des jeunes filles françaises de moins de 15 ans sont vaccinées contre le papillomavirus. « En France, il n’y a pas eu suffisamment d’investissement politique, regrette le Dr Hélène Borne. Dans les pays où la couverture vaccinale est large, garante d’une efficacité individuelle mais aussi collective , c’est en raison de vaccinations organisées réalisées en milieu scolaire »
Dans l'Hexagone, le vaccin est seulement recommandé aux filles entre 11 et 14 ans avant tout rapport sexuel. Un rattrapage est possible jusqu’à 19 ans. Pourtant l’autorisation de mise sur le marché précise que les jeunes filles peuvent se faire vacciner dès l’âge de 9 ans.
Et à l’étranger - L’Australie a été le premier pays a commercialisé le Gardasil en 2007. A l’instar du Royaume-Uni, de la Suède ou de la Nouvelle-Zélande, l’Australie a choisi de mettre en œuvre des campagnes de vaccination à l’école. Résultat : 10 ans plus tard, la couverture vaccinale dépasse les 80 % et l’espoir d’éradiquer complètement le cancer du col de l’utérus est palpable.
« En Australie, une importante diminution des verrues génitales, premier témoin d'une infection HPV, a été notée dès 2009, et aujourd’hui, elles ont presque disparu chez les jeunes filles vaccinées. Les lésions précancéreuses de haut grade ont également diminué de près de 40 % », indique la gynécologue. Des bénéfices également observés dans les pays d’Europe du Nord, comme le Danemark ou la Suède, où la couverture vaccinale est excellente.
Pour les garçons - En mai 2016, le Haut Conseil à la Santé Publique (HSCP) a recommandé d’étendre la protection vaccinale contre le papillomavirus humain (HPV) aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) car « ils sont exposés à un risque plus élevé de cancer anal et ne bénéficient pas de la protection indirecte de la vaccination des jeunes filles ».
Pour les hommes hétérosexuels, les autorités sanitaires françaises ne recommandent pas la vaccination anti-HPV car elles estiment que la protection procurée par la vaccination des jeunes filles est suffisante.
Dans le reste du monde, 4 pays recommandent de vacciner les jeunes garçons et/ou les HSH. En Europe, seul l’Autriche préconise son utilisation chez les jeunes garçons depuis 2008. Outre-Atlantique, les jeunes américains peuvent se faire vacciner entre 11 et 12 ans, et les homosexuels jusqu’à 26 ans. Mais pour l’heure moins de la moitié des garçons de moins de 18 ans sont vaccinés.
Au Canada, la vaccination proposée de 9 à 26 ans semble avoir plus de succès. La province Prince Edouard, la seule à avoir mis en place un programme de vaccination, note une couverture vaccinale de 79 % chez les garçons contre 85 % chez les filles. Convaincu de son efficacité, le Québec va également proposer gratuitement le vaccin à partir de septembre 2016.
En Australie, la vaccination des garçons de 12-13 ans a démarré en 2013 dans les écoles du pays. Une campagne nationale qui a permis d’immuniser 6 Australiens sur 10.