Les chiffres confirment les attentes des spécialistes de l’addictologie. Le baclofène, relaxant musculaire également indiqué dans le traitement de l’alcoolo-dépendance, est bien efficace. Deux études françaises ont livré des résultats intermédiaires encourageants au Congrès mondial d’alcoologie, qui se tient à Berlin (Allemagne) du 2 au 5 septembre.
Presque 60 % des patients parviennent à réduire leur consommation et 12 % à rester abstinents. Une reconnaissance pour ce médicament qui a parcouru un long chemin depuis la découverte de ses effets sur le sevrage de l’alcool en 2008. Pourquoidocteur retrace son parcours en six dates clés.
2008 : la découverte
C’est un cardiologue alcoolique qui découvre les effets anti-alcool du baclofène. Olivier Ameisen est alors dépendant et réfractaire aux traitements existants. Le médecin teste différentes molécules. Après plusieurs publications scientifiques, il rédige Le dernier verre (Editions Denoël) dans lequel il relate sa guérison. L’ouvrage place le baclofène en pleine lumière. Malades, proches et alcoologues s’emparent du sujet et commencent à militer pour une extension de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), limitée aux contractures musculaires.
14 mars 2014 : l’autorisation
50 000 patients ont eu recours au baclofène depuis 2008. 7 000 médecins ont pris sur eux de prescrire le médicament en dehors du cadre légal. En mars 2014, les autorités s’alignent sur ces spécialistes : le traitement est légitimé dans la dépendance à l’alcool. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) décide de précéder les deux essais cliniques en cours (Bacloville et Alpadir). Après l’accord de principe, le cadre légal est fixé. Une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) s’appliquera au baclofène.
13 juin 2014 : le remboursement
Autoriser est un bon début. Encore faut-il assurer l’accès aux patients. Pour cela, un arrêté paru au Journal Officiel du 13 juin 2014 fixe les conditions de remboursement du traitement. La prise en charge s’appliquera jusqu’au terme de la RTU, fixée pour trois ans.
2 juillet 2015 : la faible adhésion
Un an après l’autorisation, l’ANSM fait le bilan. Seulement 5 928 malades sont inscrits sur le portail rtubaclofene.org. Une condition pourtant nécessaire, d’après les textes officiels. Les objectifs sont loin d’être atteints : les autorités sanitaires attendaient près de 15 000 inscriptions au bout de 6 mois et 300 000 au terme de la RTU.« Cette proportion semble très faible au regard de l’estimation de l’ensemble des patients traités par le baclofène dans l’alcoolo-dépendance », conclut l'Agence. De fait : elle estime que 90 000 généralistes français ont dans leur patientèle des alcoolo-dépendants.
Septembre 2015 : l’ouverture des critères
L’ANSM apprend donc de ses erreurs. Face à l’échec de sa stratégie, elle engage un processus de révision de la RTU. Le but : faciliter l’inclusion des patients dans le dispositif. « A cause des conditions trop strictes pour faire entrer les patients dans la RTU, beaucoup de médecins ont tout simplement laissé tomber, explique alors le Pr Philippe Jaury, qui coordonne l’essai Bacloville. Ils préfèrent bouder le dispositif plutôt que perdre du temps avec. »
4 septembre 2016 : les résultats intermédiaires
Huit ans après la découverte de ses effets, le baclofène lève le mystère : il fonctionne bien dans le traitement de la dépendance à l’alcool. Après un an sous médicament, 57 % des patients baissent leur consommation sous quatre verres par jour contre 36 % dans le groupe placebo, selon l’étude Bacloville. Certains atteignent même l’abstinence, montre l’essai Alpadir. 11,9 % des sevrés sous baclofène ne consomment plus d’alcool. Ils sont 10,5 % dans le groupe placebo. Des résultats clairement positifs qui plaident en faveur d’une autorisation de mise sur le marché… cette fois permanente.