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A l'hôpital Beaujon

Première médicale : cinq greffes simultanées sur un patient

Par Melanie Gomez

C'est une première française. Des chirurgiens viennent de réaliser avec succès un transplantation de 5 organes digestifs chez un homme de 26 ans. 

L\'équipe de Beaujon qui a réalisé cette première française (Melanie Gomez)

« Je voudrais un bifteck docteur ! » Ce sont les premiers mots du jeune patient qui vient de bénéficier de la 1ère transplantation simultanée de 5 organes digestifs  à l'hôpital Beaujon à Paris. Toujours en réanimation ce vendredi, le jeune homme de 26 ans qui a subi cette intervention exceptionnelle le 17 décembre 2012 souffrait d’une maladie congénitale rare. Une myopathie du tube digestif, qui l’empêchait de se nourrir normalement.
Moins de 500 personnes sont touchées par cette pathologie en France. Jusque là, il a vécu grâce à une nutrition parentérale, c’est-à-dire que l’on devait suppléer l’alimentation artificiellement par voie intraveineuse. « Cela fait plusieurs mois qu’il n’a pas mangé du tout de nourriture solide, et, depuis des années,  il ne pouvait manger que des biscottes ou des bouillis », confie le Pr Yoram Bouhnik, chef du service de gastroentérologie et assistance nutritive à l'hôpital Beaujon. Malheureusement ces dernières semaines, l’état du patient s’est fortement dégradé, et cette transplantation multiviscérale est devenue vitale pour lui.

Une opération de 12 heures avec 8 médecins 
Il y a une semaine, l’Agence de la Biomédecine prévient les équipes de Beaujon que ce patient est enfin en tête de liste du registre national d’attente des greffons. Ce lundi matin, l’hôpital reçoit un deuxième coup de fil, il y a un donneur actuellement en mort encéphalique. 

Toutes les équipes médicales se mobilisent. Des chirurgiens partent à 400 km de Beaujon réaliser le prélèvement qu’ils ramènent en moins de 3h. C’est là que la première française commence. « Nous avons réalisé une opération très complexe. Nous avons enlevé quasiment tous les organes digestifs du patient, en ne laissant que la rate».
Ensuite, le foie, le pancréas, l’estomac, le duodénum et l’intestin grêle ont été greffés avec succès simultanément. « Quatre chirurgiens et quatre anesthésistes réanimateurs se sont succédés au bloc opératoire pendant 12 heures, raconte le Pr Jacques Belghiti, chef du service de chirurgie hépatobilio-pancréatique. Cela a été possible à Beaujon, car nous disposons d’un pôle digestif complet et que nous sommes aussi un centre de référence pour les maladies rares intestinales. »
Cette technique de « greffe en bloc » a été mise au point aux USA. En Europe, , quelques pays, comme l’Italie, l’ont également  pratiqué. En France, en revanche, c’est la première fois qu’on la réalise chez l’adulte. Chez l'enfant, ces "greffes en bloc" sont au point depuis quelques années car les risques de rejet sont moins importants. 

4 jours après l’intervention les médecins affirment que le patient se porte bien. Jusqu’à présent,  les suites opératoires se déroulent favorablement. « Le patient a été extubé seulement 12 heures après l’intervention. C’est un premier point positif. 48h après il a commencé a être nourri par voie entérale », ce qui consiste à administrer des substances nutritives par voie digestive grâce à une sonde.  « Et je l’ai vu ce matin, il était métamorphosé, il m’a même demandé un bifteck. » ajoute le Pr Jacques Belghiti.

Un patient sous surveilance
Malgré l’exploit technique indéniable, les médecins tempèrent leur enthousiasme car pendant plusieurs mois le patient va rester sous surveillance. Comme pour n’importe quelle greffe, il y a notamment un risque de rejet, et lorsqu’il s’agit de transplantation digestive, les spécialistes précisent qu’il est plus important. « Même si un phénomène de rejet survenait, cela ne veut pas dire qu’il faudrait détransplanter. Aujourd’hui, on sait quand même bien prendre en charge ces situations, on devrait alors intensifier les traitements immunosuppresseurs,» explique le Dr Olivier Corcos, gastro-entérologue.

La réussite d’une telle intervention ouvre bien sûr des perspectives encourageantes dans le domaine de la transplantation multi organes chez l’adulte. «Pour le moyen terme, nos objectifs, c’est que fin janvier, il recommence à manger des aliments solides. Fin février, on espère pouvoir lui enlever sa voie parentérale et enfin, fin mars il pourra, on l’espère, rentrer enfin chez lui et mener une vie normale, manger comme tout le monde et pourquoi pas travailler», conclut avec émotion le Pr Yoram Bouhnik.