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Etude Inserm

Les chercheurs traquent les TOC dans le cerveau

Par Julian Prial

En étudiant le cerveau de primates, une équipe a découvert les mécanismes cérébraux activés lorsqu'on vérifie quelque chose. Un résultat qui ouvre de nouvelles pistes pour traiter les TOC.

windujedi/epictura

Vérifier une dizaine de fois que les lumières sont éteintes avant de quitter la maison. Puis ensuite, remonter les escaliers une dernière fois pour s'assurer que la porte est bien fermée. Ces situations où l'on survérifie de façon compulsive les choses nous empoisonnent parfois la vie. Mais quels circuits mobilisent notre cerveau pour répéter ces vérifications ? La question a interpellé des chercheurs. 

Si des études suspectaient fortement l'implication du cortex frontal, les régions précises impliquées restaient jusqu'à présent inconnues. Jusqu'à récemment. Dans la revue Nature Communications, une équipe française de l'Inserm (1) révèle avoir démasqué le chef d'orchestre de cette mécanique cérébrale. Il s'agit du cortex cingulaire.

411 neurones s'activent 

Les travaux de ces chercheurs lyonnais ont été menés sur des macaques équipés d'électrodes enregistrant l'activité de leur cortex frontal. « Plus précisément, nous avons enregistré l'activité de 411 neurones dans deux régions du cortex frontal, connues pour leur implication dans la prise de décision : le cortex cingulaire moyen et le cortex préfrontal latéral », indique Emmanuel Procyk, co-auteur de l'étude, dans un communiqué de l'Inserm.

Et pour étudier ces neurones au moment où les singes décident de vérifier quelque chose, l'équipe a développé un protocole inédit que les scientifiques ont nommé : « travailler ou checker ». À chaque essai, ce test offrait deux options aux singes : soit travailler à une tâche de mémorisation visuelle, soit vérifier une jauge qui indique combien de temps il faut attendre avant de pouvoir récupérer une récompense (du jus de fruit). Enchaîner correctement les étapes de la tâche principale faisait grimper la jauge.

Tout se passe en 500 millisecondes 

Les chercheurs ont alors découvert que lorsque les macaques vérifient le niveau de la jauge, cela active d'abord les neurones du cortex cingulaire moyen, et ensuite seulement ceux du cortex préfrontal latéral (500 millisecondes après). Grâce à des outils statistiques de pointe capables d'analyser en détail l’information contenue dans les décharges neuronales, l'équipe est même parvenue à prédire correctement l'imminence d'une vérification. Cela jusqu'à une seconde avant que les singes effectuent le mouvement pour vérifier le niveau de la jauge. 

Enfin, l'étude révèle que ces voies neuronales de la vérification sont différentes de celles impliquées dans d'autres types de décision, par exemple lorsque les macaques décident d'appuyer sur un bouton pour répondre à une question du test de mémoire visuelle.

Mieux soigner les TOC

Et cette découverte n'est pas sans conséquence pour traiter les troubles mentaux. Un dérèglement de cette mécanique cérébrale pourrait en effet expliquer les vérifications à répétition des patients atteints de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). L'Inserm fait d'ailleurs remarquer que certaines études ont déjà démontré une altération du cortex cingulaire chez ces malades.

« Dans certains pays, comme les États-Unis, les médecins tentent déjà de traiter les TOC en détruisant certaines parties du cortex cingulaire des patients avec des électrodes », rappelle ainsi l'Institut. Cependant, « cette technique d'électrocoagulation ne serait efficace que chez 30 à 40 % des patients résistants aux autres traitements disponibles », poursuit-il. Il précise qu'un manque de précision concernant les zones du cortex cingulaire ciblées pourrait expliquer le manque d’efficacité de l’approche.

« De notre côté, nous venons de lancer un nouveau projet avec un double objectif : identifier précisément les zones du cortex cingulaire impliquées dans les TOC chez l'Homme, sur une vingtaine de volontaires, et évaluer l’impact d’une altération du cortex cingulaire correspondant chez des macaques », annonce Emmanuel Procyk.

Les résultats sont attendus pour 2017-2018. Et si cette piste se confirme, elle pourrait ouvrir la voie au développement de traitements spécifiques, capables de réguler l'activité du cortex cingulaire pour mieux soigner les TOC : « médicaments, électrostimulation, électrocoagulation plus précise... ? », toutes ces pistes sont sur la table, conclut le chercheur. Affaire à suivre... Mais pas quinze fois par jour !

 


(1) Unité 1028 Inserm/ Université Claude Bernard Lyon 1, Institut Cellule Souche et Cerveau, Bron