« Merci aux pneumologues qui soutiennent notre combat contre la pollution à Paris », c’est le tweet posté ce lundi par la Maire de Paris, Anne Hidalgo. L’édile parisienne est reconnaissante. Dans une tribune publiée ce dimanche dans le JDD, cinq médecins de renoms (1) prennent en effet position en faveur de la piétonnisation des voies sur berges de la rive droite.
Un soutien de poids dans un contexte où le projet a de nombreux détracteurs. Ils vont des élus de banlieue (UDI, LR, Debout la France) à certains automobilistes, en passant par une commission d’enquête.
Mais cette fronde n’a pas résisté au désir de vérité de ces pneumologues, et leur message est clair : « Il est urgent d’agir. Ne rien faire, c’est se rendre coupable de non-assistance à personnes en danger ».
Contacté par Pourquoidocteur, l’un d’entre eux, le Pr Bruno Housset, nous explique les raisons de sa signature.
Pourquoi cette prise de position aujourd’hui ?
Pr Bruno Housset : C’est un constat d’urgence que nous avons fait avec mes confrères. Au cours des derniers mois, voire des dernières années, les informations se précisent concernant la toxicité de la pollution. On sait depuis longtemps qu’elle est très dangereuse lors des pics de pollution mais on sait désormais que la pollution de fond l’est tout autant. Toutes deux sont à l’origine de nombreuses maladies chroniques.
Lesquelles ?
Pr Bruno Housset : La pollution favorise tout d’abord la bronchopneumopathie chronique obstructive (BCPO) et l’asthme. Mais il est aujourd’hui prouvé qu’elle accroît aussi le risque de cancer et de maladies cardiovasculaires (infarctus, accident vasculaire, thrombose, etc.). Enfin, plus récemment, des études épidémiologiques nous ont montré que la pollution pouvait entraîner la survenue de diabète et de troubles cognitifs. Pour se protéger des dangers de la pollution, il faudra surtout lutter contre les particules fines (PM 2,5), les principales responsables qui sont essentiellement produites par la pollution automobile.
Le projet d’Anne Hidalgo sera-t-il efficace ?
Pr Bruno Housset : Dans toutes les villes où elle a été mise en place, la restriction de la circulation a fait baisser la pollution atmosphérique (Angleterre, Grèce, Suède, etc.). Dans la capitale française, l’exemple du Paris sans voiture a aussi fait ses preuves, en faisant baisser les taux de pollution, au moins le jour même. Mais pour que ce soit réellement efficace, il faudrait en faire d’autres. Développer les transports en commun ou d’autres modes de déplacements automobiles (voiture électrique) est, par ailleurs, nécessaire. Ce sera aux élus de prendre ces décisions, pas aux médecins.
Si on ne fait rien, vers quoi se dirige-t-on ?
Pr Bruno Housset : Vers une grande catastrophe. Dans le dernier Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) publiée la semaine dernière, des chercheurs ont montré qu’en France, en moyenne, on perdait 9 mois d’espérance de vie à cause de la pollution (à l’âge de 30 ans). Et à Paris, Marseille, Lyon c’est encore plus inquiétant.
Là-bas, l’espérance de vie perdue peut aller jusqu’à 3-4 ans (toujours à l’âge de 30 ans). Ainsi, avec le réchauffement climatique, il y a vraiment une grande urgence à ne plus attendre. Sans, si possible, rendre la vie impossible aux automobilistes. Personnellement, j’essaye d’aborder de plus en plus ces thématiques avec mes patients.
Les consultations sont aussi un endroit où l’on peut faire passer des messages de santé publique. Il faut que nous pensions tous davantage aux personnes fragiles, aux jeunes et aux seniors. Ce sont les plus vulnérables face à la pollution atmosphérique.
Pour rappel, la Maire de Paris soumettra au Conseil de Paris, le 26 septembre prochain, une délibération visant à valider définitivement cette étape décisive dans la lutte contre la pollution "et pour la reconquête de leur fleuve par les Parisiens", écrit-elle.
De son côté, le préfet de police de Paris a accordé il y a une semaine tout juste six mois de test pour rendre piétonne les voies rive droite (de l'entrée du tunnel des Tuileries jusqu'au port de l'Arsenal).
(1) Pr Bruno HOUSSET, pneumologue, chef du service de pneumologie au centre hospitalier intercommunal de Créteil et président de la Fondation du souffle ; Pr Jocelyne JUST, pneumopédiatre, cheffe du service d’allergologie pédiatrique, hôpital Armand-Trousseau, Présidente de la Société française d'allergologie ; Pr Thomas SIMILOWSKI, pneumologue, chef du service de pneumologie et réanimation médicale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, président du Fonds de recherche en santé respiratoire ; Dr Gilles DIXSAUT, médecin hospitalier, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, président du Comité de Paris contre les maladies respiratoires ; Pr Alexandre DUGUET, pneumologue, vice-doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie Paris 6.