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Reprogrammation de gamètes

Des souriceaux naissent sans fécondation

Par Stéphany Gardier

Des chercheurs remettent en cause le dogme de la reproduction sexuée. Ils ont réussi à faire naître des souriceaux en utilisant des embryons non-viables.

Stramyk/epictura

La rencontre entre un ovule et un spermatozoïde est l’événement nécessaire à la reproduction sexuée depuis la nuit des temps. Une équipe de recherche anglo-germanique a pourtant réussi à s’affranchir - partiellement – de ce dogme, et a annoncé la naissance de souriceaux pas tout à fait comme les autres, dans le dernier numéro de Nature Communications. Des travaux qui devraient permettre de mieux comprendre les mécanismes en jeu lors de la fécondation, et de faire progresser les connaissances en biologie de la reproduction.

Les souriceaux nés des manipulations de l’équipe de Tony Perry n’auraient jamais dû voir le jour. Habituellement, un embryon est issu de la fusion entre un ovule et un spermatozoïde. Mais parfois, le matériel génétique d’un ovule se duplique, produisant un embryon dit parthénote, ou parthénogénétique. Ces embryons ne sont pas viables et ce sont pourtant eux qu'ont utilisés les scientifiques pour leurs recherches. Après avoir supprimé une partie du patrimoine génétique de ces parthénotes, ils y ont introduit un spermatozoïde. Dans 24 % des cas, la manipulation a abouti à des embryons viables, puis à des souriceaux en bonne santé.

Modifications épigénétiques

Il était admis jusqu’ici que seul un gamète femelle pouvait reprogrammé un spermatozoïde et permettre le développement d’un embryon. Ces travaux prouvent donc qu’un embryon à un stade précoce de développement est capable d’induire dans les gamètes mâles les changements nécessaires à la production d’un animal viable. « Nos travaux remettent en cause le dogme en vigueur depuis la première observation d’un ovule de mammifère en 1827, et de la fertilisation 50 ans plus tard, souligne Tony Perry, embryologiste moléculaire. Jusqu’ici on pensait que seul un ovule fécondé par un spermatozoïde pouvait donné naissance à un mammifère. »

Les chercheurs ont indiqué que les souriceaux nés de cette manipulation semblaient en bonne santé. Seules des modifications épigénétiques ont été relevées sur l’ADN des petits. Mais les scientifiques n'ont pas précisé si développement des petits jusqu’à l’âge adulte avait été normal.

 Implications éthiques

Pour l’heure, cette publication constitue surtout une grande avancée pour la biologie fondamentale. « Ces travaux pourraient nous aider à mieux comprendre comment la vie humaine débute et ce qui contrôle la viabilité des embryons, un paramètre important de la fertilité », a commenté le Dr Paul Colville-Nash du Medical Research Council, qui n’a pas pris part à ces recherches. Le scientifique n’exclut pas des implications dans le traitement de l’infertilité, mais souligne qu’il y aura un « très long chemin à parcourir avant ».

Une conséquence plus immédiate de ces travaux pourrait être d’ordre éthique. En effet, n’étant pas viables, les embryons parthénogénétiques étaient utilisés comme source de cellules souches humaines. Un statut qui pourrait être remis en cause.