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Situation à risque

Suicide à l’hôpital Pompidou : l’IGAS met en cause l'AP-HP

Par Marion Guérin

Saisie au lendemain du suicide du Pr Mégnien à l’hôpital Pompidou, l’IGAS a rendu son rapport qui pointe des manquements et émet des recommandations

DURAND FLORENCE/SIPA

C’est un rapport très attendu ; pourtant, sa publication est exclue. Au lendemain du suicide du Pr Jean-Louis Mégnien, le 17 décembre 2015, dans l'enceinte de l'hôpital européen Georges-Pompidou (Paris) le ministère de la Santé a confié à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), une mission sur les circonstances de ce drame et les accusations de maltraitances véhiculées par les proches du médecin décédé.

Près d’un an plus tard, la mission est achevée et le rapport, rédigé. « Ce document ne peut pas être publié », précise l’IGAS dans une lettre à la ministre. En cause : de « nombreuses informations relevant de l’intimité et de la vie privée du défunt ». Les inspecteurs ont toutefois publié une synthèse du rapport, qui pointe d’importants dysfonctionnements institutionnels et inclut une trentaine de recommandations visant à éviter qu’un tel événement se reproduise.
 

« Mise à l’écart avérée »

La mission conclut que « les constats établis, s’ils visent à éclairer les circonstances de survenue du drame du 17 décembre 2015, ne sauraient suffire pour autant à l’expliquer ». Plusieurs manquements ont toutefois été relevés depuis la genèse du conflit, en octobre 2013, date à laquelle les négociations sur la succession du chef de service de cardiologie ont démarré, au détriment du Pr Mégnien à qui le poste était pourtant promis.

Ainsi, l’IGAS pointe « l’absence de réunion avec l’ensemble des protagonistes et d’analyse de la conflictualité sur la base d’une enquête interne ». En effet, « la mission constate qu’il n’a jamais été jugé nécessaire d’entendre les parties et de procéder à une enquête interne sur le comportement et des propos attribués au Pr Mégnien, qu’il a cependant toujours niés ». De fait, les proches du médecin décédé ont expliqué que Jean-Louis Mégnien avait été victime d’une campagne de dénigrement organisée par la direction et certains confrères hospitaliers.

En filigrane, l’IGAS pointe la responsabilité de L’AP-HP et de l’hôpital Georges-Pompidou dans cette affaire. Alors que la souffrance du Pr Mégnien représentait un risque psychosocial élevé et connu, la mission observe « l’absence ou le retard dans le signalement et l’évaluation d’une situation à risque », et ce, « dans le contexte d’une mise à l’écart avérée ». Ni la médecine du travail de l’HEGP, ni la médecine de prévention de l’Université Paris Descartes n’ont été alertées.
 

Procédures informelles

« La prise en charge de ce conflit, tant au niveau de l’HEGP qu’au niveau du siège de l’AP-HP, a été effectuée mais sans pouvoir s’appuyer sur des procédures internes formalisées », peut-on lire dans la synthèse. Il est jugé « regrettable » le fait que les « démarches entreprises tant au niveau local qu’au niveau de la médiation centrale n’aient pas donné lieu à des comptes-rendus de réunion et une formalisation des propositions faites ».

Ainsi, « la démarche et la latitude laissées aux acteurs en l’absence de procédure institutionnelle n’offraient pas un cadre suffisant pour une analyse et un traitement optimal de cette conflictualité », écrit encore l’IGAS.
 

Recommandations

L’IGAS recommande ainsi que l’hôpital Georges-Pompidou déploie « sans délai » une « gestion plus rigoureuse des actes relatifs aux nominations ». Quant à l’AP-HP, elle devra « élaborer une charte de bonnes pratiques en management médical », mais aussi un « plan de formation de prévention, d’analyse et de traitement des situations conflictuelles », chose qu’elle a partiellement commencé à mettre en œuvre.
Concernant la prévention des risques psychosociaux, la mission préconise d’instaurer une « obligation de déclaration de ces événements ».

Le second volet de ce rapport IGAS portant sur la détection et la prévention de risques psychosociaux à l'hôpital doit être publié à l'automne. Marisol Touraine a annoncé qu'elle prendra une série de mesures dans la foulée. Concernant le suicide du Pr Mégnien, une enquête judiciaire a été ouverte auprès du parquet de Paris pour « harcèlement moral ».