Il y a neuf mois, le Pr Jean-Louis Mégnien, cardiologue à l’hôpital Georges-Pompidou, mettait fin à ses jours sur son lieu de travail. Saisie pour faire la lumière sur les circonstances de ce drame et les accusations de harcèlement moral véhiculées à l’encontre de la direction de l’hôpital et de certains confrères du médecin décédé, l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) a remis son rapport au ministère de la Santé.
Le document, dont une synthèse a été diffusée, pointe de nombreux « manquements » et une forte responsabilité de la part de la direction de l'hôpital Georges-Pompidou et de l’AP-HP. Le ministère et les inspecteurs ont toutefois choisi de ne pas publier le rapport, au motif qu’il contient des informations touchant à la vie privée du Pr Mégnien.
Un élément que conteste l’Association Jean-Louis Mégnien, composée de proches et de confrères qui militent pour une reconnaissance des violences psychiques perpétrées à l’encontre du personnel hospitalier. Le Pr Philippe Halimi, radiologue à l’HEGP, en est l’un des porte-parole.
Pourquoi contestez-vous les motifs avancés pour la non-publication du rapport ?
Pr Philippe Halimi : La réponse est dans la lettre rédigée par le chef de l’IGAS à l’attention de Marisol Touraine. On y lit que « les nombreuses lacunes relevées par la mission la conduisent à porter des critiques sur le comportement professionnel et personnel d’un grand nombre de personnes, et à émettre à leur propos des jugements de valeur dont la révélation publique serait de nature à leur porter préjudice ».
En langage administratif, cela signifie que le rapport pointe de façon très grave la responsabilité à la fois administrative (« comportement professionnel ») et pénale (« personnel ») d’un certain nombre de personnes : la direction médicale locale, la hiérarchie de Jean-Louis Mégnien, ainsi que les présidents de la Commission Médicale d’Etablissement Locale qui ont fait changer la serrure du bureau de Jean-Louis Mégnien. Toutes ces personnes sont gravement mises en cause et c’est la raison de cette non-publication.
Vous réclamez donc sa publication ?
Pr Philippe Halimi : Nous réclamons surtout que des sanctions soient prises à l’encontre des responsables qui ont poussé notre confrère au suicide. Nous allons demander une entrevue avec la ministre de la Santé, qui a déjà donné son accord de principe. Marisol Touraine dispose du rapport dans son intégralité. Elle a le nom des responsables et doit prendre des sanctions disciplinaires contre la direction et les médecins visés, comme elle s’y est engagée.
Lors de ce rendez-vous, nous allons également aborder les autres cas de harcèlement à l’hôpital dont nous avons eu connaissance, et ils sont nombreux. Enfin, nous veillerons à ce que les personnes visées par les accusations de harcèlement ne bénéficient pas d’une promotion ou d’une mutation opportune, comme cela a pu se voir dans de précédentes affaires.
Y-a -t-il une volonté de couvrir les responsables à travers cette non-publication ?
Philippe Halimi : Non, car les termes sont malgré tout très évocateurs et l’IGAS pointe du doigt des noms. Le chef lui-même reconnaît la responsabilité de ces personnes. Nous ne sommes plus le « nid de vipères » que certains ont voulu décrire lorsque nous avons parlé de harcèlement moral.
En revanche, ce terme n’apparaît nulle part dans la synthèse de ce rapport, alors qu’une enquête judiciaire a été ouverte, précisément pour harcèlement. Par ailleurs, nous sommes très étonnés que l’IGAS n’ait pas pris en compte les éléments que nous avons produits (mails, messages) et qui incriminent directement ces personnes. La mission dit ne pas pouvoir les authentifier. Nous les avons diffusés en avril sur internet, personne n’est venu les mettre en cause… Nous avons demandé un rendez-vous avec le chef de l’IGAS pour éclaircir ce point.