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Chez la souris

Alimentation : les graisses perturbent les bactéries intestinales

Par Anne-Laure Lebrun

Une alimentation très riche en gras perturbe rapidement la flore intestinale et augmente la perméabilité de l'intestin. Des troubles qui disparaissent grâce à une alimentation équilibrée.

strelok/epictura

Une alimentation trop grasse, et c’est le microbiote qui flanche. Une étude menée par l’Institut Pasteur et l’Inserm parue dans PNAS montre en effet chez des souris qu’une consommation très importante de lipides perturbe la flore intestinale et l’intestin. Un dérèglement qui pourrait avoir d’importantes conséquences sur la santé.

Aujourd’hui, la recherche sur le microbiote est en pleine ébullition. De nombreuses équipes de recherche ont mis en évidence des liens entre la composition de microbiote – qui contient naturellement environ 100 000 milliards de bactéries – et le diabète de type 2, ainsi que l’obésité. Chez les patients atteints de ces troubles, une altération de la flore a été observée. Mais jusque-là, peu de travaux se sont intéressés aux causes de cette perturbation et ont cherché à observer comment ce dérèglement s’installe. Une faille que tente de combler l’équipe internationale dirigée par Philippe Sansonetti.


Des perturbations au bout d'un mois

Les chercheurs ont alors opté pour l’étude de souris en laboratoire. Certains de ces cobayes ont reçu une alimentation composée à 70 % de lipides, tandis que d’autres ont continué à manger de manière équilibrée. « Nous voulions voir, de façon précoce, comment se comportaient les bactéries intestinales face à un régime riche en gras, souligne Thierry Pédron, ingénieur de recherche dans l’unité de Pathogénie microbienne moléculaire (Institut Pasteur/Inserm). Et rapidement, nous avons concentré nos recherches sur l’intestin grêle, car c’est là que nous avons observé les variations les plus flagrantes ! »

Tout au long de l’expérience, les scientifiques ont réalisé des analyses génomiques sur des échantillons de selles pour identifier les bactéries présentes dans le microbiote des souris. « Un mois seulement après le début de ce nouveau régime riche en graisse, nous avons constaté des changements dans la composition du microbiote, indique Thierry Pédron. Certaines espèces bactériennes proliféraient tandis que d’autres diminuaient, l’espèce Candidatus arthromitus ayant même complètement disparu. Par ailleurs, et de façon totalement inédite, nous avons observé une concentration massive des bactéries entre les villosités de l’épithélium intestinal ». Un phénomène qui n’a pas lieu normalement.


Un phénomène réversible

En effet, les bactéries intestinales ne peuvent pas s’approcher ni même traverser la barrière intestinale, car la surface de l’intestin est tapissée d’un mucus et qu’elle libère des substances antimicrobiennes qui les tuent. Or, en cas d’ingestion massive de lipides, ces antibiotiques naturels ne sont plus produits et la couche de mucus s’affine. L’intestin devient alors plus perméable et les bactéries peuvent le traverser.

Ainsi, une alimentation riche en gras semble induire une réorganisation de la population bactérienne du microbiote et l’intestin subit lui aussi des transformations. Pour l’heure, les chercheurs n’ont pas encore découvert les implications possibles de ces modifications, notamment pour la santé humaine. Mais bonne nouvelle : un mois après que les souris ont retrouvé un régime alimentaire sain et équilibré, le microbiote et la paroi intestinale ont retrouvé, eux, leur intégrité.