La résistance bactérienne aux antibiotiques est un fléau mondial de plus en plus menaçant. A l’échelle mondiale en 2050, les super-bactéries multirésistantes seront responsables de plus de 10 millions de décès, soit plus que le cancer, selon un rapport récent rapport britannique.
Des projections terrifiantes qui inquiètent les plus hautes institutions internationales : une réunion rassemblant de nombreux chefs de gouvernement et responsables de santé devrait se tenir en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. « C’est seulement la 4e fois dans l’histoire des Nations unies qu’un thème de santé est discuté à l’Assemblée générale, relève l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les précédents étaient le VIH, les maladies non transmissibles et la maladie à virus Ebola. »
Mais outre les conséquences sanitaires de l’antibiorésistance, l’impact économique du mésusage des antibiotiques est aussi un sujet de préoccupations. Dans un rapport publié la veille de cette grande réunion à New York, la Banque mondiale estime que dans 3 décennies, la résistance aux antibiotiques pourrait provoquer de graves dégâts économiques similaires à ceux de la crise financière de 2008.
Accroître la pauvreté
« La nature et l’ampleur de la menace économique sont telles qu’elles pourraient anéantir les gains de développement durement acquis et nous éloigner de notre but, mettre fin à l’extrême pauvreté et renforcer la prospérité, alerte Jim Yong Kim, le président de la Banque mondiale. Le coût de l’inaction est inabordable, en particulier pour les pays pauvres. Il est urgent que nous agissions pour éviter cette crise potentielle. »
De fait, les différents scénarios imaginés par les experts de la Banque mondiale sont loin d’être rassurants. Selon la pire des projections – dans laquelle les antibiotiques ne peuvent plus traiter les infections bactériennes –, 28 millions de personnes pourraient être confrontées à la pauvreté en 2050. Une grande partie d’entre elles vivront dans les pays en développement. Les dépenses annuelles de santé dans le monde pourraient alors dépasser le milliard de dollars.
L’antibiorésistance aurait également un impact sur le commerce international, et notamment la production animale. Aujourd’hui, les antibiotiques sont utilisés pour augmenter la production carnée. Un mode d’élevage intensif totalement remis en cause par la propagation de bactéries résistantes dans les élevages.
Besoin urgent d'investir
« Nous savons maintenant que le problème grandissant de la résistance bactérienne peut être désastreux à la fois pour la santé humaine et animale, la production alimentaire et l’économie globale, à moins qu’il soit traité sérieusement, rapidement et ce de manière durable, commente le Dr Margaret Chan, la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé. Le fait est que si on laisse faire, l’antibiorésistance pénalisera les pauvres plus que quiconque, ce qui montre clairement pourquoi la situation doit être abordée comme un problème crucial pour le développement. Alors que les chefs d’Etat se réunissent cette semaine à l’Assemblée générale des Nations unies pour discuter de la résistance bactérienne, j’espère qu’ils le garderont à l’esprit. »
Du côté de la Banque mondiale, les experts suggèrent quelques pistes pour enrayer la propagation du phénomène. Ils pointent du doigt notamment le manque d’investissement dans la surveillance et le contrôle de l’antibiorésistance, qui pourraient pourtant réduire à moyen terme le risque de transmission de bactéries multirésistantes entre les hommes, les animaux et l’environnement. Ils recommandent ainsi qu’un soutien financier important soit attribué à l’OMS pour mener à bien le plan contre l’antibiorésistance lancé l’an passé.