S'il avait révélé sa maladie aux Français, François Mitterand n'aurait jamais été élu. C'est en effet ce que suggère un sondage publié ce jeudi réalisé par Odoxa pour la MNH, Le Figaro et France Inter (1).
Les Français sont très majoritairement d’accord (à 61%) pour dire que leur envie de voter pour un candidat serait impactée par l’annonce d’une grave maladie dont il serait atteint. Un résultat qui nos anciens présidents ont visiblement bien pressenti. Au-delà du cas de François Mitterrand qui avait caché pendant des années son cancer de la prostate, on peut aussi citer les faux bulletins de santé de Georges Pompidou qui transformait sa maladie de Waldenström en une simple grippe.
De la stratégie politique
Rédacteur en chef à L'Obs, Denis Demonpion, rappelle que l'accession au pouvoir est avant tout le résultat d'une bonne stratégie politique. Contacté par Pourquoidocteur, le co-auteur de l’ouvrage Le dernier tabou, révélations sur la santé des présidents (ed. Pygmalion), confie : « Je suis certain que si en 1988 François Mitterrand avait étalé sur la place publique ses problèmes de santé assez graves, même avec la pudeur de ses adversaires, il aurait été tout à fait écarté de la course à la présidence (...) Les Français se seraient demandés s'il allait être à même de conduire les affaires du pays , ajoute-t-il. Mais ces interrogations des Français, le président malade a préféré les occulter. Il était tenu en vie par son appétit de pouvoir».Ces confidences viendraient des médecins personnels de l'ancien Président socialiste. D'ailleurs, il est mort quelques mois après avoir quitté l'Elysée, souligne-t-il.
La France partagée...
Mais cette stratégie politique divise encore les Français en deux camps. D'après le sondage d'Odoxa la moitié d'entre eux juge que les candidats doivent la transparence, alors que l’autre moitié considère au contraire que cela ne regarde qu’eux. Et à propos de la polémique sur la santé d'Hillary Clinton, même tendance, seuls 50 % des Français estiment qu’« il est normal d’attendre une totale transparence des candidats sur leur santé car le choix d’un futur Président est une affaire trop grave pour que l’on risque d’élire une personne malade ». Et 49 % estiment que « la santé de chacun relève de la vie privée, et qu'un candidat ne doit pas livrer tous les détails concernant sa santé ».
... par une fracture générationnelle
Toutefois, ce 50-50 cache une grande hétérogénéité des perceptions selon le sexe et l’âge. Les femmes et les plus jeunes défendent la notion de vie privée tandis que les hommes mettent en avant la nécessaire transparence. Sur l’âge, la variation des résultats est spectaculaire : 66 % des 18-25 ans pensent que la santé des candidats relève de la vie privée, quand 70 % des 65 ans et + considèrent qu’ils nous doivent la transparence. Les jeunes sont 70 % à trouver que les présidents qui nous ont caché la vérité sur leur état de santé ont eu raison quand 71% des 65 % et + jugent au contraire qu’ils ont eu tort.
Sur ce point, Denis Demonpion est catégorique : « quand on est jeune, on ne pense ni à la maladie, ni à la vieillesse, ni à la mort. En tout cas, on y pense beaucoup moins. J'imagine par exemple qu'un Emmanuel Macron n'a pas ces soucis, contrairement à un Alain Juppé qui peut se poser ces questions ».
Le journaliste conclut aussi que les jeunes n'ont la mémoire que de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. « Pour eux, le temps des Georges Pompidou et François Mitterrand est de l'histoire ancienne ». Les nostalgiques de ces derniers apprécieront... Le fossé intergénérationnel a encore de beaux jours devant lui !
(1) Réalisé les 15 et 16 septembre 2016 sur un échantillon de 999 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus