C’est avant tout une question de dignité humaine, mais elle s’exprime également en termes sanitaires. En prison, l’encellulement individuel est inscrit dans la loi depuis 140 ans ; cela fait autant d’années que le principe n’est pas appliqué dans les maisons d’arrêts, où sont exécutées les courtes peines.
Un siècle et demi plus tard, donc, le ministère de la Justice veut fait de ce principe une réalité dans les prisons françaises. Ce mardi, Jean-Jacques Urvoas a présenté la semaine passée son rapport sur l’encellulement individuel, qui se fixe pour objectif le placement de 80 % des détenus dans ces cellules.
Dominique Bataillard, chef de service de psychiatrie pénitentiaire des établissements du Pontet, d’Arles et de Tarascon, revient sur l’impact de ce dispositif sur la santé mentale des personnes incarcérées.
L’enfer, c’est les autres… En prison aussi ?
Dominique Bataillard : Sur le plan sanitaire, l’encellulement collectif en maison d’arrêt expose à un certain nombre de nuisances que l’on peut aisément imaginer. A deux dans une cellule de neuf mètres carrés, les détenus se trouvent en situation de grande promiscuité. Ils sont exposés au bruit, aux conditions d’hygiène parfois précaires, aux troubles du sommeil - d’autant plus qu’il s’agit de personnes qui viennent d’arriver en prison et qui subissent un choc carcéral lié à la perte du lien social et à la rupture familiale.
L’encellulement collectif majore les éventuels troubles psychiatriques des détenus, qui sont exposés à un risque d’user et d’abuser des traitements médicamenteux, mais aussi de subir des pressions et des rackets de médicaments de la part des autres détenus.
L’encellulement individuel permet donc de remédier à cela ?
Dominique Bataillard : Oui, même si l’isolement n’est pas toujours la meilleure solution – d’ailleurs, il ne s’agit pas d’être seul tout le temps, mais seulement la nuit, car le jour, il faut favoriser les activités, y compris en groupe. Parfois, dans les centres de détention, les détenus demandent à être à deux dans une cellule et on le leur accorde s’ils s’entendent bien. Un détenu peut par exemple alerter s’il trouve que son codétenu va mal. L’isolement a lui aussi des effets délétères (risque suicidaire, dépression…).
La prévalence des troubles psychiatriques est très élevée en prison. Malgré les réserves que l’on vient d’évoquer, on sait aujourd’hui que l’encellulement individuel est bénéfique et améliore la prise en charge de ces détenus – même s’il s’impose pour tous.
La proposition de la Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté d’offrir ces places en premier lieu aux personnes souffrant de troubles psychiatriques graves me semble censée. Mais en même temps, les pathologies évoluent au gré de la détention. Dans l’incarcération, il y a plusieurs temps, plusieurs phases différentes. Il faut prendre aussi cela en compte.
Mais le personnes atteintes de troubles psychiatriques ne devraient pas vraiment se retrouver en prison...
Dominique Bataillard : Bien sûr, la prison, ce n’est pas la panacée pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques. Mais le problème est complexe. Certains détenus ont un terrain vulnérable mais ne vont développer leur pathologie qu’au cours de leur détention, car la situation d’incarcération majore, en elle-même, les maladies psychiatriques. Et là, pour les faire sortir, même avec une nouvelle expertise, c’est très compliqué.