Les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont au nombre de 8 000 en France. Ils accueillent environ 574 000 personnes. La prise en charge de ces patients dépendants est assurée par 361 000 professionnels : des infirmiers diplômés d’État (IDE), des aides-soignants (AS), etc.
Des statuts bien différents mais qui cachent une réalité commune, tous sont en souffrance. C'est ce qui ressort d'un rapport publié il y a quelques jours par la Drees (1).
Comme les usagers accueillis sont de plus en plus âgés, les personnels soignants soulignent un alourdissement de leur charge de travail, et, par conséquent, une modification de leurs conditions de travail.
Pour être plus précis, ces personnes ont confié que leur participation à des tâches de soins, de nursing et d'hygiène de base s'est accrue, au détriment de l'accompagnement relationnel, humain et du maintien des capacités.
Des coups et des blessures
Pour bien cerner les nouveaux patients, la Drees rappelle les chiffres d'une enquête récente. En 2007 déjà, 47 % des résidents en Ehpad étaient diagnostiqués comme souffrant d'une pathologie démentielle, soit environ 240 000 personnes. S'ajoute à ce chiffre les personnes handicapés vieillissantes, les personnes âgées atteintes de troubles psychiatriques, etc.
Au sujet de ces derniers, Brigitte, aide médico-psychologique, confie : « Il y a de plus en plus de violence. Les coups, c'est terrible, c'est pire que les insultes, parce qu'on est atteint. Un coup de poing dans la figure, on sait qu'on n'a pas le droit de le rendre. Mais c'est très difficile de ne pas réagir ».
Bref, la pénibilité du métier est psychique. Mais elle est aussi physique. Le travail soignant en Ehpad est en effet caractérisé par de nombreuses contraintes d’ordre physique, parmi lesquelles la station debout prolongée, la manutention de personnes, les mouvements répétitifs, les déplacements, les postures inconfortables, etc.
Le casse-tête de la planification du temps de travail
Mais les relations avec les patients ne sont pas les seules causes du mal-être des personnels, parfois, le casse-tête au quotidien, c'est la planification du temps de travail. Certaines organisations sont redoutées car elles accroissent encore davantage la charge de fatigue du fait de la difficulté à accéder à des temps de repos suffisants (roulement ne permettant qu’un seul jour de repos par semaine pour les professionnels travaillant en 7h ou en 7h30 par jour). C'est aussi le cas de l’alternance jour-nuit (en vigueur dans une minorité d’établissements) ou encore d’une amplitude horaire importante (journées de travail en 12h continues ou journées de travail « coupées »).
Dominique, aide-soignant, raconte : « Je commence tous les matins à 7h et finis le soir à 20h30, avec une coupure l'après-midi de près de 4 heures. J'habite à 40 km, ça représente des frais d'essence élevés et je n'arrive pas à me reposer ».
Et l'absentéisme n'arrange pas les choses. Surtout qu'il est perçu comme « relativement important au regard d’autres secteurs », que ce soit du fait d’accidents du travail ou pour raisons de santé. Ainsi, le planning doit souvent être revu pour remplacer l’absent (en mobilisant des remplaçants contractuels ou intérimaires ou en rappelant un professionnel en repos) ou l’établissement passe en fonctionnement dit « dégradé » (équivalent à un fonctionnement en effectif restreint). Bref, c'est le serpent qui se mord la queue.
Des personnels très engagés
Pourtant, malgré toutes ces souffrances, deux raisons sont souvent mises en avant par les soignants pour justifier de leur orientation professionnelle. En premier lieu vient « la vocation ». Les fameux « je suis fait pour ça », et « j’ai choisi ce métier » ont été répétés inlassablement aux enquêteurs par de nombreux professionnels des EHPAD.
Mais au final, quelles que soient les raisons de leur orientation professionnelle, par convention sociale ou par conviction, une grande majorité des professionnels rencontrés en entretien affirment aimer leur métier. Il semble que leur attachement est lié à la place qu’ils occupent dans la collectivité : « il s’agit de prendre soin, d’apporter du bien-être, de soulager des personnes fragiles ». Parmi les tâches effectivement réalisées et mises en avant se trouvent les pratiques d’accompagnement (discussion, échange) et de stimulation.
(1) La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques