« En 2017, le "trou de la Sécu" aura disparu ». Dans une interview aux Echos, la ministre de la Santé a affiché un enthousiasme plutôt inhabituel, quand il s’agit d’évoquer le déficit de la Sécurité Sociale. Grisée par les bons résultats relevés plus tôt cette semaine par la Cour des Comptes, Marisol Touraine a annoncé le retour dès 2017 à l’équilibre des finances de l’Assurance maladie, qui fait pourtant office d’« homme malade » de la Sécu, pour reprendre la formule de l’instance.
La Cour des Comptes a en effet rendu un rapport positif sur les comptes de la Sécurité Sociale. En 2015, son déficit est passé de 12,8 milliards d'euros à 10,2 milliards d’euros, soit un « léger reflux » de la dette sociale comptabilisé à 2,1 milliards d’euros. Une situation inédite depuis 2001.
Pour célébrer l’événement, le gouvernement a sorti sa calculette. En 2011, le déficit de la Sécu s’élevait à 17,4 milliards de déficit. L’an prochain, à 400 millions d’euros près, le régime général retrouvera l’équilibre, a annoncé Marisol Touraine qui devance donc les prévisions de la Cour des Comptes, laquelle préconise un retour à l’équilibre pour 2020.
Annonce électorale ?
De leur côté, les observateurs se montrent dubitatifs. « En période électorale, il est de bon ton de faire ce genre d’annonce, mais la réalité, c’est que la branche maladie reste significativement déficitaire, rappelle Claude Lepen, économiste de la santé. En 2017, les nouvelles mesures qui viennent d’être adoptées creuseront ce déficit et auront du mal à être comblées par les recettes ».
De fait, la branche maladie enregistre un déficit continu depuis 25 ans, évalué à 5,8 milliards d’euros en 2015 (contre 6,5 milliards en 2014). Or, Marisol Touraine a accordé une enveloppe d’un milliard d’euros à l’hôpital et a revalorisé la consultation médicale de base de 2 euros, la faisant passer à 25 euros. Autant d’éléments qui vont « charger la barque » des dépenses de santé.
« En raison de ces nouvelles mesures, on était plutôt sur l’idée qu’en 2017, le déficit allait être un peu plus élevé ; on est donc assez surpris par l’annonce de la ministre », euphémise Claude Lepen. Côté recettes, les entrées devraient par ailleurs être limitées.
« Nous aurons sauvé la Sécu »
« C’est vrai que la base salariale augmente nettement en France. On est sur une pente de 2,4 % d’augmentation, avec 1 % de salariés en plus et une augmentation du salaire moyen d’environ 1,4 % ». Mais pas non plus de quoi dégager des excédents tels qu’ils annuleraient la dette, à en croire l’économiste.
« Nous aurons sauvé la Sécu », s’est malgré tout félicitée la ministre, d'un ton un brin messianique. A quelques mois de l’élection présidentielle, Marisol Touraine a ainsi souhaité saluer le travail de la gauche en matière de réduction des déficits. Or, s’il est certain que sous le mandat actuel, les budgets ont été maîtrisés, il convient néanmoins de nuancer le jugement sur cette politique « de gauche ».
Aucune réforme structurelle n’a été menée pour réduire les déficits ; l’action menée pendant ces cinq ans s’est fondée sur la limitation des dépenses, notamment sur les médicaments et le poste hospitalier. Par ailleurs, les comptes ont bénéficié des réformes des retraites engagées dès 2010.
« Les plans faits par ce gouvernement ressemblent à ceux d’avant, souligne Claude Lepen. Il y a eu un certain nombre de déremboursements, les primes des complémentaires santé ont augmenté… Peut-on vraiment parler de politique de gauche ? La réalité est un peu plus complexe. »