On s’imagine la vie du grand sportif exempte de toute substance psychoactive, de tout vice, de toute quête d’ivresse. Celui qui se rend quatre fois par semaine à la salle de gym mange obligatoirement bio, boit du thé vert au gingembre et soigne ses muscles, son cœur et son esprit.
Mais les clichés sont faits pour être brisés. Dans son enquête annuelle, la Fondation pour la Recherche en Alcoologie fait tomber l’un d’entre eux : non, les grands sportifs ne sont pas des icônes sanitaires. En fait, une personne qui exprime une forme de dépendance au sport a plus de risques de développer une consommation problématique d’alcool.
Sportifs : consommation maîtrisée
Cette association inattendue est exposée dans l’Observatoire 2016 de la Fondation. Pour celui-ci, 2002 personnes ont été interrogées. L’enquête révèle d’abord que la moitié des sondés fait régulièrement du sport, les hommes étant plus nombreux que les femmes (56 % vs 47 %), et ce, à hauteur de quatre heures en moyenne par semaine.
Pour ce groupe, la consommation d’alcool semble bien maîtrisée. Les sondés sont certes plus nombreux à déclarer boire au moins une fois par semaine (57 % vs 43 %), mais ils présentent moins de problèmes d’alcool.
« Ce résultat rappelle combien la fréquence de la consommation est un index incomplet de la consommation à problème d’alcool. On peut par exemple boire irrégulièrement de l’alcool et avoir des problèmes d’alcool, et inversement », soulignent les auteurs.
"3ème mi-temps"
En revanche, quand les sondés expriment une forme de dépendance au sport, alors, les risques semblent augmenter. L’addiction au sport, ou « bigorexie », est une maladie reconnue par l’OMS depuis 2011. Elle se mesure par le biais d’un questionnaire, l’Exercise Addiction Inventory (EAI).
Dans l’enquête, 5 % des personnes ont présenté des signes d’addiction au sport, sans distinction de sexe et quelle que soit la taille de la commune dans laquelle elles habitent. Elles ont 37,1 ans en moyenne et sont « moins souvent actifs professionnellement » que les non-accros au sport.
Or, selon les observateurs, cette population aurait trois fois plus de risque de développer une consommation problématique d’alcool. Ainsi, 11 % des sondés de ce groupe présentaient des signes de consommation problématique (également évaluée à travers un questionnaire spécifique), contre 4 % chez les non-accros au sport.
Pour ce groupe, la fréquence de consommation n’est pas plus élevée que dans l’autre groupe, mais le rapport au produit s’est avéré plus problématique. « La pratique sportive en état d’alcoolisation étant peu probable, les alcoolisations excessives de type 3ème mi-temps pourraient être impliquées », suggèrent les auteurs.
Excès
« Les addictions sont extraordinairement co-morbides, c’est à dire facilement associées », rappelle Philip Gorwood, président du comité scientifique de la Fondation. Si d’emblée, sport et alcool semblent mal se marier, à y regarder de plus près, sous l’angle de l’addiction, ils sont parfaitement compatibles, car comme le rappellent les auteurs de ces travaux : « Ceux qui sont dans l’excès le sont probablement dans plusieurs domaines »…