Les bactéries intestinales ne sont pas les seules responsables de la maladie de Crohn. Un champignon présent naturellement dans nos intestins jouerait lui aussi un rôle clé dans le développement de cette grave maladie inflammatoire, révèle une étude publiée dans la revue mBio.
Des travaux qui ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.
« Nous savons déjà que les bactéries, les facteurs génétiques et environnementaux jouent un rôle majeur dans le développement de la maladie de Crohn. Généralement, les patients présentent une réponse inflammatoire anormale face aux bactéries intestinales », explique le responsable des travaux, le Pr Mahmoud Ghannoum, directeur du centre de mycologie médicale des Hôpitaux universitaire de Case Western.
De ce fait, la plupart des équipes de recherche se sont concentrées sur la flore intestinale pour découvrir les bactéries responsables. Or, les intestins hébergent également des champignons qui forment le microbiote fongique. Jusqu’à très récemment, son rôle était peu étudié alors que de nombreux indices le mettent en cause.
Interaction entre bactéries et champignons
L’équipe internationale dirigée par le Pr Ghannoum a analysé la composition du microbiote de 9 familles de patients atteints de la maladie de Crohn originaires du Nord de la France et de Belgique ainsi que 4 familles en bonne santé.
Au total, ce sont 20 malades et 28 de leurs parents du premier degré, et 21 autres personnes en bonne santé qui ont accepté de participer à ces travaux.
L’analyse d’échantillons de selle révèle qu’il existe une interaction forte entre les champignons et les bactéries chez les patients souffrant de Crohn, notamment entre deux bactéries (Escherichia coli and Serratia marcescens) et un champignon (Candida tropicalis). Les chercheurs ont en effet découvert que ces 3 micro-organismes sont présents en forte concentration dans le microbiote des malades par rapport aux volontaires non-atteints.
Des tests réalisés en laboratoire confirment que ces bactéries et ce champignon s’allient dans nos intestins. En fusionnant, ils forment un biofilm qui provoque une réponse inflammatoire rapide induisant les symptômes caractéristiques de Crohn (douleurs abdominales, diarrhée, fatigue).
En outre, les chercheurs ont mis en évidence une diminution de la population des bactéries anti-inflammatoires chez les malades. Un résultat corroboré par une étude française parue en février dernier dans Gut qui s’intéressait, elle aussi, au rôle de la composante fongique dans la maladie de Crohn.
Réequilibrer la flore intestinale
Ces travaux menés par le Dr Harry Kolok, du service de gastro-entérologie et nutrition à l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP), avaient montré un déséquilibre de la composante fongique chez les malades. Les chercheurs avaient également identifié une altération propre aux personnes atteintes de la maladie de Crohn : chez ces dernières, la diversité des champignons est plus importante que celle des bactéries.
Ensemble, ces travaux apportent de nouvelles informations sur les origines biologiques de cette pathologie. « Ils pavent également la voie à une nouvelle génération de traitements comme des médicaments et des probiotiques capables d’améliorer la qualité des vie des patients », commente le Pr Ghannoum.